Les conditions d’application du taux réduit des droits d’accises pour les brasseries indépendantes précisées. - Avity - Cabinet d'avocats

Une brasserie utilisant les marques et le procédé de fabrication d’un tiers est bien une petite brasserie indépendante au sens du droit européen et peut donc se voir appliquer un taux réduit du droit d’accises, sans commettre d’infraction relative aux contributions indirectes.

Cour de cassation, Chambre criminelle, 19 décembre 2018, n°17-87.017 – Affaire Brasserie X c/ Administration des douanes

Le Code général des impôts prévoit des droits d’accises spécifiques à son article 520A relatifs aux bières, variant selon un degré alcoométrique.

Par dérogation, un taux réduit est applicable aux petites brasseries indépendantes en fonction des volumes de production.

Dans la présente affaire, la société assignée est un restaurant produisant lui-même sa propre bière. Celui-ci applique donc le taux réduit concernant les droits d’accises.

La notion de petite brasserie indépendante a été introduite par une directive européenne 98/83/CEE à l’article 4, §2 in fine, transposée à l’article 178-0 bis A, alinéa 2 de l’annexe III du Code général des impôts (CGI).

Pour cela, différents critères sont posés :

  • La production annuelle ne doit pas dépasser les 200 000hL,
  • Ladite brasserie doit être juridiquement et économiquement indépendante de toute autre brasserie,
  • Elle doit utiliser des installations physiquement distinctes de celles de toute autre brasserie
  • Et elle ne doit pas produire sous licence.

La brasserie en l’espèce produit sa bière sur la base d’un contrat d’affiliation en date du 10 décembre 1998 signé avec une tierce société. En vertu de ce contrat, la Brasserie B est autorisée à utiliser ses marques, son enseigne, son savoir-faire et se voit fournir les souches de levure. La Brasserie B doit respecter diverses obligations et payer une contrepartie financière.

La Direction Régionale des Douanes et Droits indirects d’Auvergne va alors opérer un redressement fiscal à l’endroit de la société B pour infraction relative aux contributions indirectes de l’article 1791 du CGI. Selon la Direction régionale, la Brasserie B ne pouvait utiliser le taux réduit puisqu’elle n’est pas une petite brasserie indépendante car elle produit sous licence. Une instance civile et une instance pénale vont donc s’ouvrir.

Sur le civil, le TGI de Clermont-Ferrand va alors être saisi par la Brasserie B en contestation de ce redressement. Le TGI va confirmer le redressement fiscal alors un appel sera interjeté devant la Cour d’appel de Riom, qui, le 23 février 2013, va infirmer le jugement de 1ère instance.

Un pourvoi est ensuite introduit par l’Administration des douanes. La Chambre commerciale, saisie de la question, va poser une question préjudicielle à la Cour de Justice de l’Union Européenne :

« L’article 4, §2 de la directive du 92/83/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant l’harmonisation des structures des droits d’accises sur l’alcool et les boissons alcooliques, doit-il être interprété en ce sens que la production sous licence s’entend exclusivement comme production sous licence d’exploitation d’un brevet ou d’une marque ou peut-il être interprété en ce sens que la production sous licence s’entend comme production selon un procédé de fabrication appartenant à un tiers et autorisé par lui ? »

La CJUE, dans un arrêt du 4 juin 2015, Brasserie Bouquet SA, répond que la condition de ne pas produire sous licence « n’est pas remplie si la brasserie concernée fabrique sa bière conformément à un accord en vertu duquel elle est autorisée à utiliser les marques et le procédé de fabrication d’un tiers. »

En conséquence, la Chambre commerciale a rendu son arrêt le 5 janvier 2016 dans lequel elle casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel de Riom.

L’affaire est renvoyée devant la CA de Bourges. Celle-ci, le 28 juillet 2016 infirmera le jugement et reconnaitra l’application du taux réduit à la Brasserie B.

L’administration fiscale va une nouvelle fois introduire un pourvoi, qui sera rejeté définitivement le 31 janvier 2018. La Cour de cassation va juger qu’une petite brasserie « qui coopère avec d’autres ; devrait-elle être considérée comme opérant sous licence, est éligible au taux réduit sur les droits d’accise, lorsque leur production annuelle additionnée ne dépasse pas 200 000hL ».

Sur le pénal, la Brasserie B est poursuivie par l’administration fiscale du chef de fausses déclarations relatives aux droits spécifiques sur les bières.

Le TGI de Clermont-Ferrand va prononcer la relaxe de la Brasserie dans un jugement du 3 mai 2016.

La Cour d’appel de Riom ira dans le même sens le 8 novembre 2017. Selon elle, la Brasserie B a pu penser légitiment que le taux réduit pouvait s’appliquer puisque différentes juridictions ont du se pencher sur l’interprétation de l’article 178-0 bis A annexe 3 du CGI. De plus, l’élément intentionnel de l’infraction n’est pas établi.

Dès lors, un pourvoi est formé devant la Chambre criminelle de la Cour de cassation par l’administration des douanes. Celle-ci reproche à la Cour d’appel de se contredire dans ses motifs en disant, d’une part que le taux réduit s’applique et que d’autre part, la Brasserie pouvait légitimement penser qu’elle en bénéficiait.

De plus, la Brasserie B n’est pas une petite brasserie indépendante car elle n’opère pas de coopération entre partenaire mais se voit imposer contractuellement des méthodes de travail.
L’erreur de droit accordé à la Brasserie ne peut l’être que si la partie s’en est expressément prévalu, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. De plus, par l’absence de diligences du prévenu, l’erreur de droit e pouvait être retenue.

Dès lors, la Cour de cassation devait répondre à la question de savoir si l’infraction de l’article 1791 du CGI était constituée ?

La Chambre criminelle, dans son arrêt du 19 décembre 2018 va rejeter le pourvoi, allant dans la continuité logique de l’arrêt de la Chambre commerciale quelques mois avant.

Elle confirmera tout d’abord que la Brasserie B remplit bien les conditions d’une petite brasserie indépendante, donc est éligible à l’application du taux réduit.

Ensuite, elle conclura en l’absence d’élément matériel de l’infraction. En effet, la Brasserie, coopérant avec d’autres petites brasserie, ne dépasse pas 200 000hL de production annuelle cumulée. Dès lors, elle bénéficie du taux réduit sur les droits d’accises prévu par les articles 520A et 178-0 Bis A annexe 3 du CGI.

Dès lors, l’arrêt rendu par la CJUE fixe un cadre clair et précis de ce qu’est une petite brasserie indépendante, ne laissant plus de place aux doutes.

La Chambre criminelle ne pouvait dès lors que statuer dans ce sens. Elle ne pouvait contredire la CJUE et la Chambre commerciale dans le même temps.

Ainsi, l’existence d’un contrat d’affiliation entre parties n’empêche pas la qualification de petite brasserie indépendante et l’application d’un taux d’accises réduit.

Droit pénal fiscal – contributions indirectes – droits d’accises – Code général des impôts –droit du vin de la vigne et des spiritueux – Avocat viticole