L'influence du PASS Sanitaire sur l'organisation du travail - Avity - Cabinet d'avocats

Au temps d’une pandémie qui semble s’inscrire dans la durée, l’épidémie du Covid 19 oblige le législateur à dresser de nouvelles obligations concernant la sécurité au travail, tant pour les employeurs que pour les salariés.

Pour autant ces obligations nouvelles engendrent des questionnements et des vides juridiques, sur lesquels la jurisprudence n’a pas encore pu statuer.

1. OBLIGATION VACCINALE

La loi n°2021-1040 du 5 août 2021 a mis à jour différentes obligations qui visent à assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise du fait, de l’épidémie dite « Covid 19 ».

Ce texte a mis en vigueur le Passe sanitaire et oblige les employeurs à subordonner leurs salariés à la présentation :   soit du résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par le covid-19, soit d’un justificatif de statut vaccinal concernant le covid-19, soit d’un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par le covid-19 pour l’accès à certains lieux, établissements, services ou évènements où sont exercées les activités.

Il ressort donc de la loi qu’à compter du 9 aout 2021 le Passe sanitaire doit être présenté : dans les établissements couverts recevant du public, dans les établissements de plein air recevant du public, pour les évènements qu’ils soient culturels, ludiques, festifs ou sportifs qui sont organisés dans l’espace public, ou dans tous lieux ouverts au public.

 

2. EXONERATION DE L’OBLIGATION VACCINALE

Existe-t-il des moyens de dispense de vaccination contre le virus du Covid 19 ?

Le décret du 7 aout 2021 N°2021-1059 article 2.4 et annexe 2 précise les cas qui représentent une contre-indication médicale empêchant la vaccination contre le virus du Covid 19.

2.1. Il s’agit des contre-indications inscrites dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP) suivants :

  • Antécédent d’allergie documentée (avis allergologue) à un des composants du vaccin en particulier polyéthylène-glycols et par risque d’allergie croisée aux polysorbates ;
  • Ou réaction anaphylaxique au moins de grade 2 (atteinte au moins de 2 organes) à une première injection d’un vaccin contre le COVID posée après expertise allergologique;
  • Ou personnes ayant déjà présenté des épisodes de syndrome de fuite capillaire (contre-indication commune au vaccin Vaxzevria et au vaccin Janssen).

 

2.2. Il s’agit des contre-indications suite à une recommandation médicale de ne pas initier une vaccination (première dose) :

  • « Syndrome inflammatoire multi systémique pédiatrique (PIMS) post-covid-19.

 

2.3. Il s’agit des contre-indications suite à une recommandation établie après concertation médicale pluridisciplinaire de ne pas effectuer la seconde dose de vaccin suite à la survenue d’un effet indésirable d’intensité sévère ou grave attribué à la première dose de vaccin signalé au système de pharmacovigilance (par exemple : la survenue de myocardite, de syndrome de Guillain-Barré …).

2.4. Il s’agit des contre-indications médicales temporaires faisant obstacle à la vaccination :

  • Traitement par anticorps monoclonaux anti-SARS-CoV-2.
  • Myocardites ou péricardites survenues antérieurement à la vaccination et toujours évolutives.

Toutes les contre-indications médicales doivent être actées par une attestation de médecin.

3. L’INFORMATION DES OBLIGATIONS DES SALARIES

Comme toujours dans le cadre de nouveaux dispositifs légaux, imposés aux entreprises, il nait pour les employeurs des difficultés pratiques importantes d’application, que le législateur n’a pas envisagées.

Le chef d’entreprise ne peut se satisfaire de l’information publique dispensée par les médias, pas plus qu’il ne peut appliquer pour ses salariés le précepte que « nul n’est censé ignorer la loi »

Pourquoi l’employeur devrait-il informer ses salariés des obligations qui sont liées à l’armada législatif qui les déterminent ?

Tout d’abord, car la meilleure compréhension de la loi par le dirigeant qui doit l’appliquer est une garantie pour l’entreprise d’assurer de façon active la sécurité au travail de ses salariés.

En effet, l’employeur est tenu, de par les dispositions de l’article L.4121-1 du Code du Travail, de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés. Il doit en assurer non seulement l’effectivité, mais également l’efficacité.

L’épidémie du Covid 19 n’échappe pas à cette obligation, d’autant que l’article L.4121-2-7° du Code du travail précise que l’employeur met en œuvre des mesures qui permettent de planifier la prévention, en y intégrant, dans un ensemble cohérent, entre autres, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants.

De plus, le dirigeant qui se confronte aux questions de l’exécution des textes souvent inédites, peut se heurter à des difficultés de mise en pratique. Il doit pouvoir y apporter des réponses qui se traduiront dans la mise en œuvre des dispositifs qu’il aura choisi. Du fait de cette compréhension, il sera le mieux à même d’en dispenser la communication et les explications idoines.

Par exemple, l’entreprise doit préciser à ses salariés qu’ils peuvent s’absenter pour se rendre à un point de vaccination, sans que cela n’entraine une perte de rémunération. Il suffit de définir les conditions pour organiser cette absence.

Par exemple, les conditions de dispense du masque pour les personnes vaccinées.

Il apparait donc nécessaire, pour l’employeur de présenter le plus rapidement possible à ses salariés, notamment à ceux qui sont par fonction les plus exposés, les obligations et les procédures à respecter avant l’entrée dans l’entreprise, pendant leur temps de travail. Il devra également préciser les schémas des solutions répondant aux situations que les salariés peuvent rencontrer dans le cadre de leur travail.

Cette information peut se faire par tous moyens : note de service, courrier individuel, affichages, protocole…

Il est également souhaitable que l’entreprise modifie le règlement intérieur pour y intégrer les consignes et obligations à respecter, ainsi que les conditions des contrôles du Passe sanitaire (Elle peut également modifier le livret d’accueil, s’il existe, ou établir une charte interne).

Cela permet à l’employeur de fixer le périmètre des obligations de tous et d’y appliquer son pouvoir de direction en cas de non-respect de ses règles.

Cela garantie également l’entreprise contre toute mise en cause pénale en cas d’infraction à la législation nouvellement en vigueur.

 

4. CONTROLE PAR L’EMPLOYEUR

L’employeur a-t-il une obligation de résultat pour le contrôle du Passe ?

Tout d’abord, car la meilleure compréhension de la loi par le dirigeant qui doit l’appliquer est une garantie pour l’entreprise d’assurer de façon active la sécurité au travail de ses salariés.

Les salariés concernés par l’obligation vaccinale sont ceux listés au I de l’article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire.

Ainsi, doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre le covid-19, toutes les personnes qui doivent accéder aux établissements recevant du public.

Cette obligation vaccinale suit le calendrier suivant :

  • Du 9 août au 14 septembre 2021 inclus, les personnels concernés pourront présenter :
    • Soit un certificat de statut vaccinal ;
    • Soit le résultat d’un test RT-PCR ou antigénique positif attestant du rétablissement de la Covid-19, datant d’au moins 11 jours et de moins de 6 mois ;
    • Soit le résultat négatif d’un test virologique datant de moins de 72 heures (examen de dépistage RT-PCR, test antigénique ou autotest réalisé sous la supervision d’un professionnel de santé).
  • Du 15 septembre et jusqu’au 15 octobre 2021 inclus, une période transitoire est prévue par la loi. Lorsque le salarié aura justifié d’une première dose de vaccin, il pourra continuer à exercer son activité à condition de présenter le résultat négatif d’un test virologique.
  • À partir du 16 octobre, les personnes concernées devront justifier, auprès de leur employeur, avoir procédé à la double vaccination nécessaire à l’obtention du Passe sanitaire.

 

Quel contrôle doit être mis en place par l’entreprise ?

Dès lors que les salariés sont soumis à l’obligation vaccinale, l’entreprise est tenue de demander la présentation de preuves sanitaire ou du Passe sanitaire conformes.

Conformément à l’article 15 de la loi, dans les entreprises comptant au moins 50 salariés, l’employeur devra informer le Comité Social et Economique des mesures de contrôles mises en place. Le CSE devra rendre son avis dans un délai d’un mois après la communication de ces informations par l’employeur.

L’employeur doit demander à l’entrée de l’établissement, suivant une procédure qu’il a mis en place, la production par les salariés concernés de ces documents qui peuvent être présentés sous la forme dématérialisée.

L’employeur peut faire délégation sous sa responsabilité de ce contrôle aux personnes qu’il aura mandatées. Le contrôle se fait par le moyen de l’application gratuite légale « TousAnti Covid Verif » qui effectue le scan du QR code pour en vérifier la validité. Les données médicales ne sont pas accessibles et doivent respecter les règles RGPD ainsi que celles de la CNIL dans la collecte et la transmission des informations qui doivent être minimales.

Ainsi l’employeur est soumis par le législateur à une vigilance de ces contrôles auprès de ses salariés, soumis à l’obligation vaccinale. Des manquements réitérés peuvent faire encourir au dirigeant 1 an d’emprisonnement et 9 000 € d’amende si les tests ne sont pas réalisés ou non contrôlés.

 

5. LE REFUS VACCINAL ET DROIT COMMUN DU CONTRAT DE TRAVAIL

Le refus du salarié de se conformer à l’obligation du Passe Vaccinal peut-il fonder un motif de licenciement ?

Le salarié qui refuse de se faire vacciner ou de se soumettre à tout contrôle PCR à son employeur ne peut plus avoir accès à son lieu de travail.

Dans ce cas, le salarié peut, en accord avec son employeur, poser des jours de congés payés ou des RTT. A défaut l’entreprise est en droit de suspendre le contrat de travail du salarié, jusqu’à ce que ce dernier produise le Passe sanitaire justifiant de sa vaccination. L’employeur doit notifier au salarié par tout moyen la suspension de son contrat de travail, du fait de l’impossibilité d’occuper ses fonctions.

La suspension du contrat de travail, dans ce cas spécifique, n’ouvre pas droit à rémunération (sans solde), ni à une comptabilisation de jours de congés et ne donne aucun droit à ancienneté.

La loi prévoit que l’employeur doit organiser un entretien (possible en visio conférence) à l’issu du 3ème jour de suspension du contrat de travail. Dans le cadre de cet entretien, l’entreprise, doit envisager les possibilités de reclassement sur des postes pour lesquels l’obligation de vaccination ne s’applique pas, s’ils existent.

Si le salarié persiste dans son refus de vaccination, la suspension de son contrat de travail se poursuit.

Peut-il être licencié pour ce refus de vaccination ?

En 2012, la Cour de Cassation a pu considérer que « la méconnaissance d’une telle obligation vaccinale pouvait constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement ». [Cass 11 juil.2012, n°10-27.888].

Cette possibilité était prévue dans le projet de loi, mais le conseil constitutionnel dans sa décision du 5 aout 2021, a refusé la possibilité de licencier un salarié refusant de se faire vacciner et ce, même si sa profession est soumise à l’obligation vaccinale. Ce refus ne pourra donc être retenu comme motivation d’un licenciement à l’encontre du salarié.

Que risque le salarié s’il s’inscrit dans la durée dans son opposition à produire les justificatifs légaux 

Au regard de la jurisprudence relative aux absences prolongées d’un salarié pour maladie, il semble possible de procéder au licenciement d’un salarié lorsque ses absences prolongées ou répétées perturbent le bon fonctionnement de l’entreprise et rendent nécessaire son remplacement définitif. [Cass. Ass. Plen., 22 avril 2011, n° 09-43.334].

Le caractère définitif du remplacement sera en outre vérifié par les juges [Cass. Soc., 5 mars 2014, n° 12-28.303], en cas de litige, le remplacement définitif du salarié devant en effet intervenir impérativement dans un délai proche du licenciement. [Cass. Soc., 16 sept. 2009, n° 08-41.879].

Un tel choix de procédure, a pour obligation de laisser passer du temps (la cour de Cassation estime 6 mois comme un délai raisonnable [Cass Soc 24 mars 2021 n° 19-13.188].

Dans ce cas, les procédures de droit commun de rupture du contrat de travail s’appliquent.

 

6. CONTESTATION D’UNE SUSPENSION NON FONDEE

Quels sont les salariés non concernés par l’obligation du Passe sanitaire ?

La loi manque de clarté sur ce sujet et il a fallu que le ministère du travail apporte un éclaircissement sur la part des salariés non concernée par l’obligation vaccinale et la production du Passe sanitaire.

Il s’agit des personnels :

  • travaillant dans des espaces non accessibles au public ;
  • travaillant en dehors des horaires d’ouverture au public.
  • qui effectuent des livraisons
  • qui sont chargés d’effectuer des interventions d’urgence.

Ainsi, si un salarié n’est pas soumis, de par ses fonctions, à la production d’un Passe, l’exigence par l’employeur de produire un tel document est illégale. Ainsi, si l’employeur procède à la suspension du contrat de travail dans ce cas d’espèce, il contrevient aux dispositions de la loi du 5 aout 2021.

Si le salarié se trouvait licencié, alors qu’il appartient à la catégorie socio-professionnelle non soumise à l’obligation vaccinale, le licenciement sera sans cause. Il pourrait même être qualifié par le juge de nul sur le fondement de l’article L.1132-1 du Code du travail, si une discrimination prohibée était retenue.

Dans ces deux cas, l’entreprise s’expose au risque de se voir condamnée à des dommages et intérêts par le Conseil de Prud’hommes, s’il est saisi.

 

7. DES OBLIGATIONS VACCINALES PRIVATIVES DE LIBERTES

Les différences dans les obligations vaccinales peuvent -elle produire une rupture d’égalité entre les salariés ?

L’ensemble des lois régissant la pandémie dite du Covid 19 depuis février 2020 comprennent de profondes atteintes aux libertés fondamentales inédites.

L’Etat a considéré la nécessité « de limiter les libertés publiques et de créer des disparités dans l’égalité entre les citoyens pour la sauvegarde de « l’intérêt général » dans la lutte contre la pandémie virale.

Le Conseil Constitutionnel a jugé, après quelques amendements peu nombreux, que ces lois n’enfreignaient pas la Constitution, car ces mesures respectaient trois critères : être nécessaire, appropriée et proportionnée.

Pour autant, ces textes et notamment la loi du 5 aout 2021, crée une accentuation sans précédent, dans la différence de traitement entre les citoyens, les salariés du privé et du public. En effet, certains citoyens voient leur consentement à la vaccination forcé, tandis que d’autres n’y sont pas soumis.

Il faut souligner que ce texte prévoit une mise à l’écart sociale pour la catégorie de salariés qui sont soumis à l’exigence vaccinale et qui refusent, pour une raison qui leur est propre, de se soumettre à la vaccination. Dans ce cas le citoyen se voit privé de sa liberté de travailler, de gagner sa vie, voire de circuler librement.

Comme autre exemple, les citoyens qui se trouvent atteints du Covid doivent rester cloitrés chez eux pendant au moins 11 jours puisque l’attestation médicale à fournir dans ce cas ne peut être délivré avant ce délai et ne reste valide que 6 mois. Certains juristes y voient comme une sorte « d’assignation à résidence ».

Il pourrait s’agir d’une violation de l’article 8 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC) de 1789.

Ces actes de la part de citoyens peuvent être considérés comme des actes de résistance tout à fait estimables, à l’encontre d’une privation certaine de liberté, même si la majorité des citoyens acceptent cette situation.

C’est également un processus qui crée une discrimination contraire aux dispositions de l’article 14 de la CEDH.

Il est défendable d’estimer que ce n’est que l’application du principe du droit à résistance à l’oppression précisé dans l’article 2 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789.

C’est également une situation qui contrevient à la liberté de conscience consacrée par l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme (CEDH).

S’oppose bien entendu, le droit à la santé de tous qui se trouve garanti par l’alinéa 11 du Préambule de la Constitution de 1946, qui fait droit au législateur de rendre effectif une obligation vaccinale publique générale.

Mais le Conseil de l’Europe dans sa décision du 27 janvier 2021 s’est prononcé contre toute campagne de vaccination obligatoire. [Résolution n°2361 du 27/01/2021].

On comprend bien que l’empilement des normes se fait au désavantage du citoyen, et favorise ainsi, par ces contradictions, un dispositif législatif qui présente de nombreuses incohérences juridiques.

En optant pour le Passe sanitaire plutôt que de rendre cette obligation vaccinale générale, l’Etat a crée de fait une disparité de traitement entre les citoyens et ainsi une rupture d’égalité certaine en la matière.


 

 Cabinet AVITY- droit du travail –