L’émergence de détournements des mécanismes de protection de la propriété intellectuelle par des contrefacteurs chinois - Avity - Cabinet d'avocats

Une décision récente de l’EUIPO opposant le célèbre Château Beychevelle à une société Chinoise illustre une tendance émergeante : le dépôt en toute mauvaise foi de contrefaçons ou imitations de marques viticoles.

 

EUIPO, 13 septembre 2019 – Société Civile Château Beychevelle c/ Jingshi Media Co. Ltd.

 

Dans un monde où les marques sont devenues un véritable fait sociétal, il ne peut aujourd’hui être envisagé de lancer un produit sur un marché si celui-ci n’est pas « marqué ».

L’essence même de la marque, avec les qualités et caractéristiques propres qui la composent, doit être protégée au risque qu’elle ne perde de sa valeur et son caractère notoire.

Une marque constitue l’un des mécanismes de protection offerts par le droit de la propriété intellectuelle.

Cette marque peut être définie comme étant le droit exclusif reconnu à son titulaire de désigner ses produits et/ou services par un signe distinctif déterminé. Il s’agit ici d’un monopole qui confère au titulaire le droit d’interdire l’usage, par des tiers, d’un signe de nature à créer des confusions dan l’esprit des consommateurs.

Or, avec l’engouement massif des Chinois pour les vins haut de gamme, l’Europe, et singulièrement la France, doit faire face à un phénomène croissant d’utilisations des mécanismes de la propriété intellectuelle pour protéger, en toute mauvaise foi, des contrefaçons ou imitations chinoises manifestes.

Récemment, le Château Beychevelle, mondialement célèbre pour la qualité de ses vins et reconnu par la gabarre figurant sur son étiquette, a fait les frais de cette nouvelle tendance.

Le mythique Château Beychevelle est titulaire de droits sur deux marques enregistrées à l’EUIPO :

  • Une marque figurative :

  • Une marque verbale : CHATEAU BEYCHEVELLE

La 9 mars 2018, la société chinoise Jingshi Media Co. Ltd. déposait une demande de marque de l’Union Européenne auprès de l’EUIPO en classe 33, classe réservée aux « Baijiu (boisson chinoise d’alcool distillé) ; Extraits de fruits avec alcool ; Boissons alcoolisées à l’exception des bières ; Spiritueux ; Alcool de riz ; Vin ; Piquette ; Eaux-de-vie ; Whisky ; Boissons distillées ».

La demande portait sur une marque figurative composée de caractères chinois et d’un bateau dont l’impression d’ensemble se rapproche étrangement de celle du Château Beychevelle.

 

Dans le cadre du dépôt d’une demande de marque de l’Union Européenne, l’EUIPO procède à une publication de cette demande, ce qui ouvre un délai de trois mois pour déposer un acte d’opposition.

C’est dans ce contexte que le titulaire de la marque antérieure Château Beychevelle, la Société Civile Château Beychevelle, à formé une opposition à la demande chinoise.

Le 13 septembre 2019, l’EUIPO rejetait la demande de marque de l’Union Européenne de la société chinoise pour les produits identiques à ceux de la marque antérieure Château Beychevelle.

Afin de rendre sa décision, l’EUIPO a procédé à un contrôle détaillé du risque de confusion entre les deux signes, en application de l’article 8 paragraphe 1, point b) du RMUE.

« Sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement: (…)

 (b) lorsqu’en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée; le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. »

Sur le plan visuel, les signes coïncident à bien des égards en ce qu’ils incluent des représentations de navires très similaires.

En effet, les bateaux sont en mer et la portion de la mer sous le navire est dessinée de manière très similaire. Certes, les signes diffèrent par les caractères asiatiques placés au-dessus de la représentation du navire dans le signe contesté ainsi que par certains détails relatifs aux détails du navire, comme le fait que, dans la marque antérieure, le dragon a des ailes et une représentation du raisin sur la voile.

Compte tenu de la ressemblance flagrante entre les détails du navire et du fait que la marque antérieure ne contient aucun autre élément graphique, les signes sont similaires sur le plan visuel, à un degré supérieur à la moyenne.

Sur le plan conceptuel, les deux signes évoquent l’idée d’un même type de bateaux et les caractères asiatiques n’évoquent aucun concept clair. Ils sont peu pertinents et le public français les percevra comme des éléments figuratifs. Tout au plus, ces caractères peuvent être perçus comme indiquant que les boissons alcoolisées en cause sont d’origine asiatique. Par conséquent, les signes sont conceptuellement très similaires.

En conséquence, il est tout à fait concevable que les consommateurs ne se souviennent pas des légères différences dans la représentation des navires et, même s’ils se rendent compte qu’ils diffèrent entre eux par certains détails, le risque est qu’ils perçoivent la marque contestée comme une sous marque, une variante de la marque antérieure.

Compte tenu de cela, il existe un risque de confusion du public pour des produits identiques.

Il résulte donc de tout ce qui précède que la marque contestée doit être rejetée pour les produits identiques à ceux de la marque antérieure.

 

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