En cette période de confinement, la plupart des entreprises doivent faire face à une baisse redoutable de leur activité. Les problématiques sont déjà nombreuses.
Et pourtant, l’état d’urgence sanitaire n’a pas vocation à s’éterniser. Il s’agit donc d’ores et déjà d’anticiper l’après-confinement, et le probable accroissement d’activité qui pourrait l’accompagner. Pour gérer cet afflux potentiel, les entreprises ne manqueront pas d’outils à leur disposition.
Reste à déterminer lesquels seront les plus adaptés à chaque situation et éviter ainsi les faux-pas.
Lorsqu’une entreprise se retrouve confrontée à une augmentation de son activité, il est important de bien analyser l’origine de cet accroissement.
L’employeur dispose de plusieurs moyens pour faire face à ce genre de situations, à savoir :
– le recours au contrat à durée déterminée ;
– le recours à la sous-traitance ;
– le recours à l’intérim.
Chacun présente son lot d’avantages et d’inconvénients qui lui est propre, qu’il convient d’avoir en tête au moment de faire son choix.
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Le contrat de travail à durée déterminée
S’il présente de nombreux avantages, le contrat de travail à durée déterminée obéit cependant à des règles générales impératives qu’il convient de respecter absolument, sous peine de sanction.
Avant toute chose, l’article L.1242-1 du Code du travail prévoit que le contrat de travail à durée déterminée ne peut jamais avoir pour objet ou pour effet de pourvoir durablement à un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
Il s’agit de la règle la plus importante en matière de CDD, celle qui le définit et en détermine le cadre d’application.
En cas de manquement à cette règle, la sanction consiste en la requalification du CDD irrégulièrement conclu en contrat à durée indéterminée, à laquelle s’ajoute la reconstitution de la carrière du salarié en question – versement de la rémunération qui lui est due, notamment – outre les indemnités dues en cas de licenciement injustifié dans l’hypothèse où le CDD a été rompu.
Pour éviter cela, il convient de bien choisir le motif justifiant le recours au CDD.
Le contrat à durée déterminée peut en effet être conclu dans l’hypothèse de l’exécution d’une tâche précise et temporaire. L’avantage principal du CDD résidant dans le fait qu’il prenne fin une fois l’exécution de cette tâche accomplie, c’est-à-dire à la survenance du terme du contrat, sans que l’employeur n’ait à apporter de justification supplémentaire.
S’agissant de l’augmentation de l’activité d’une entreprise découlant précisément de la sortie de la période de confinement, l’article L.1242-2 du Code du travail prévoit justement qu’il est possible de recourir au CDD en cas « d’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise ».
Toutefois, avoir cerné le motif applicable ne suffit pas : il faut s’assurer que notre situation en justifie bien le recours. Cela implique de vérifier plusieurs éléments.
- En premier lieu, la cause du recours au CDD s’apprécie au jour de sa conclusion (Cass. Soc., 11 avril 1991, n° 87-41.349). Cela signifie que l’accroissement temporaire de l’activité doit être effectif au moment de la conclusion du CDD : il n’est pas possible de conclure le CDD pour ce motif par précaution et en raison d’un accroissement à venir ou imminent.
- En deuxième lieu, la conclusion d’un CDD pour un flux courant d’activité ou de commande n’est pas permis : le CDD sera justifié en cas d’activités ou de commandes supplémentaires (Cass. Soc., 1er février 2012, n° 10-26.647). Ainsi, si la période de confinement a généré une baisse d’activité et que celle-ci a retrouvé son cours normal à la sortie du confinement, le différentiel ne justifie pas nécessairement un accroissement temporaire d’activité mais simplement un retour à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
- En troisième lieu, de manière générale l’accroissement temporaire d’activité revêt plusieurs formes, à savoir notamment :
- augmentation significative et limitée dans le temps du volume de travail à laquelle l’entreprise ne peut faire face avec son effectif ;
- nécessité d’exécuter une tâche exceptionnelle, ponctuelle et limitée dans le temps ;
- survenance d’une commande exceptionnelle à l’exportation.
En parallèle, le recours au CDD laisse une marge de manœuvre non-négligeable à l’employeur. Celui-ci n’est en effet pas obligé d’affecter un salarié recruté en CDD directement à un emploi lié au surcroît d’activité (Cass. Soc. 18 février 2003, n° 01-40.470).
Enfin, au-delà des considérations juridiques, recourir au CDD permet à l’employeur de maîtriser le processus de recrutement de son salarié.
Ainsi, si le CDD permet indéniablement de faire face à un accroissement d’activité tout en gérant avec fluidité et conscience son effectif, il faut rappeler que tout salarié recruté en CDD pour accroissement temporaire d’activité percevra à la fin de son contrat une prime de précarité d’un montant de 10 % de sa rémunération brute, en vertu de l’article L.1243-8 du Code du travail.
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Le recours à l’intérim ou le contrat de travail temporaire
Face à l’augmentation temporaire de l’activité d’une entreprise, recourir au travail intérimaire, ou au contrat de travail temporaire, est également envisageable.
L’article L.1251-1 du Code du travail dispose en effet que le recours au travail temporaire a en effet pour objet la mise à disposition temporaire d’un salarié par une entreprise de travail temporaire pour l’exécution d’une mission au bénéfice d’un client utilisateur.
Le recours à l’intérim génère ainsi une relation tripartite qui comprend :
- l’entreprise de travail temporaire dont l’activité consiste en la mise à disposition de salarié ;
- l’entreprise utilisatrice qui bénéficiera du travail du salarié mis à sa disposition durant la mission temporaire ;
- le salarié placé à la disposition de l’entreprise utilisatrice par l’entreprise de travail temporaire.
Les principes essentiels qui encadrent le contrat de travail temporaire ou d’intérim ressemblent pour beaucoup à ceux du CDD.
L’article L.1251-5 du Code du travail dispose que le contrat de travail temporaire ne peut jamais avoir pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice.
Tout manquement à cette règle entraînera la condamnation de l’entreprise utilisatrice mais aussi de l’entreprise de travail temporaire ayant mis à disposition le salarié intérimaire à payer les sommes dues en vertu de la requalification du contrat de travail du salarié en CDI, selon l’article L.1251-40 du Code du travail, outre les indemnités dues en cas de licenciement si le contrat de mission a été rompu.
A l’image du contrat de travail à durée déterminée, le contrat de travail temporaire est justifié lorsqu’il concerne l’exécution d’une tâche précise et temporaire, à savoir une « mission », laquelle peut effectivement résulter d’un « accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise » selon l’article L.1251-6 du Code du travail.
Le périmètre du motif d’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise du contrat de travail temporaire comprend peu ou prou les mêmes éléments que celui du contrat de travail à durée déterminée.
Enfin, le salarié intérimaire recruté au motif d’un accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise percevra également au terme de son contrat une indemnité de précarité égale à 10 % de sa rémunération brute selon l’article L.1251-32 du Code du travail.
De fait, le choix du contrat de travail intérimaire est déterminé par les avantages spécifiques qu’il présente. Ainsi le fait de recourir à une agence d’intérim permet d’éviter d’effectuer soi-même le recrutement du salarié tout en bénéficiant de la célérité des dites-agences. De même, l’entreprise utilisatrice ne devient, pas du fait du contrat de mission, l’employeur du salarié intérimaire. Seule l’entreprise de travail temporaire demeure l’employeur de ce dernier.
A l’inverse, l’entreprise désireuse d’effectuer elle-même le processus de recrutement privilégiera une autre option, si tant est qu’elle dispose des moyens humains et matériels suffisants.
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La sous-traitance
La sous-traitance est l’opération par laquelle une entreprise (donneur d’ordre) confie sous sa responsabilité tout ou partie de l’exécution d’une activité ou d’un contrat d’entreprise à une autre entreprise (l’entreprise sous-traitante).
En cas d’accroissement temporaire d’activité d’une entreprise, le contrat de sous-traitance constitue une autre solution envisageable. Particulièrement prisé dans les secteurs du bâtiment et de la construction, le contrat de sous-traitance trouve son utilité dans deux cas de figures principaux :
- Lorsqu’une entreprise doit faire face à une activité ou une commande qui dépasse son domaine de compétence et de spécialité ;
- Lorsqu’une entreprise doit faire face à une activité ou une commande qui dépasse la capacité de ses services ou de ses effectifs (cas de l’accroissement temporaire d’activité).
Le contrat de sous-traitance n’a pas à suivre de formalisme particulier pour être établi : il suit en cela le régime du contrat de louage d’ouvrage prévu aux articles 1780 et suivants du Code civil.
Il est néanmoins vivement conseillé d’établir un contrat écrit détaillant précisément l’étendue de la relation entre le donneur d’ordre et le sous-traitant, à savoir notamment l’objet et la durée de la prestation sous-traitée. En tout état de cause, il est conseillé de mentionner toute précision utile permettant de prévenir un litige futur entre les deux parties.
L’entreprise donneuse d’ordre doit en effet composer avec deux éléments importants :
- l’entreprise sous-traitante n’est pas placée dans un lien de subordination vis-à-vis du donneur d’ordre, contrairement à un salarié recruté en CDD ou en intérim ;
- l’entreprise donneuse d’ordre reste responsable de la prestation de service sous-traitée.
L’entreprise donneuse d’ordre doit à cet égard absolument veiller à ne pas placer l’entreprise sous-traitante et / ou les salariés de cette dernière dans un rapport de subordination sous peine de voir la relation requalifiée en contrat de travail (Cass. Soc., 22 mars 2018, n° 16-28.641).
L’entreprise sous-traitante doit rester indépendante vis-à-vis du donneur d’ordre, ce qui implique qu’elle ne doit en aucun cas placer ses salariés sous l’autorité du donneur d’ordre, sous peine de constituer le délit de prêt de main d’œuvre illicite, prévu par l’article L.8241-1 du Code du travail.
Ainsi, l’entreprise en proie à un accroissement temporaire d’activité pourra y faire face par le biais d’un contrat de sous-traitance mais devra avoir conscience du coût potentiellement supérieur que cela présente ainsi que de l’absence du contrôle effectif sur la réalisation de la prestation.
En définitive, les entreprises ont à leur disposition plusieurs outils aux modalités de fonctionnement variables pour faire face aux éventuelles périodes accroissements temporaires d’activité qu’elles peuvent traverser.
Il s’agit donc de rappeler que les informations délivrées à travers cet article ont vocation à rester générales : seule une analyse approfondie et individuelle de la situation d’une entreprise est à même de déterminer les mesures les plus appropriées.
Avocats – droit du travail – droit des affaires – recours à la sous-traitance – accroissement temporaire d’activité