Longtemps réservée à l’alimentation en raison de croyances individuelles, la certification « végane » se multiplie dans le secteur viticole afin de satisfaire un nouveau type clientèle.
Dans l’objectif de renforcer la confiance des consommateurs, l’organisme français dénommé Expertise Végane Europe accorde aux vignerons un certificat de conformité européenne végane à travers le label « EVE VEGAN. »
Il s’agit, pour les viticulteurs, de prendre en compte l’augmentation du nombre de végétaliens recensés qui excluent de leur mode de vie l’ensemble des produits issus du monde animal.
La présence du label végan sur certaines bouteilles peut surprendre puisqu’à priori, le vin est fabriqué à base de raisins fermentés.
Dès lors, celui-ci constitue par essence un produit 100% végétal.
Or, ce principe semble être remis en cause à plusieurs étapes du processus de fabrication du vin.
Ainsi, l’usage de ces techniques a pour effet de rendre certaines bouteilles impropres à la consommation pour une partie de la population.
La problématique repose donc sur la détermination des méthodes utilisées lors de la production et des alternatives nécessaires pour l’obtention d’un vin végan.
1. La présence de substances d’origine animale dans le vin
Au cours de la production viticole, l’utilisation de substances d’origine animale est fréquente, que ce soit à l’occasion de la viticulture d’une part qu’au stade de la vinification d’autre part.
- La culture de la vigne
Pour remédier aux éventuelles carences de la terre, les vignerons utilisent des techniques de fertilisation du sol.
Celles-ci ont pour objectif d’assurer un certain niveau de nutriments dans le sol, permettre la croissance de la vigne et la production de raisin de bonne qualité.
Pour se faire, les viticulteurs vont parfois recourir à des substances d’origine animale sous forme d’engrais issus des déjections animales ou de restes d’abattoirs.
Dès lors, même au stade primitif de la production, le vin peut s’avérer incompatible avec un mode de vie végan.
- La clarification du vin
Les consommateurs choisissent leur vin selon plusieurs critères tels que la couleur, la provenance, le millésime mais également en fonction de l’esthétique de la bouteille.
Au stade de la clarification, les viticulteurs doivent donc éliminer les particules et levures afin de rendre le vin visuellement plus limpide et brillant.
Le plus souvent, les vignerons utilisent une colle qui peut comprendre des ingrédients d’origine animale tels que l’albumine de blanc d’œuf, de la caséine (protéine de lait), des arêtes ou de la peau de poisson voire même de la gélatine issue du collagène des peaux et os d’animaux.
Jusqu’à son interdiction en 1997, on pouvait également retrouver dans le vin du sang d’animal, dont sa présence perdure désormais exclusivement pour les vins anciens.
De ce fait, cette technique de fabrication va donc à l’encontre des règles d’alimentation d’un régime végan.
2. Les alternatives végétales
Certains vignerons vont recourir à des solutions de substitution pour la culture de la vigne jusqu’à sa vinification.
- S’agissant de la viticulture
Il existe la technique de l’agriculture biocyclique végétalienne qui consiste en une agriculture biologique purement végétale.
Dès lors, ce mécanisme exclut tout élevage commercial ou abattage d’animaux et n’utilise donc aucun intrant d’origine animale.
À cet égard, un degré particulier de fertilité du sol est atteint grâce à l’utilisation de terre d’humus biocyclique d’origine purement végétale.
Ainsi, depuis novembre 2017, le Standard Biocyclique Végétalien constitue la norme mondiale accréditée par l’IFOAM.
Certains viticulteurs font donc le choix de cette méthode 100% végétale afin de contribuer à la protection du climat, de la biodiversité, des animaux et de la santé commune.
- S’agissant de la vinification
La première alternative consiste à fabriquer un vin naturel, c’est-à-dire que le viticulteur n’utilisera aucune colle lors de processus de clarification.
Il s’agit d’un processus lent puisque le jus de raisin doit être laissé au repos avant et après fermentation afin que les matières solides en suspension descendent au fond.
Dès lors, le vin embouteillé « ni collé, ni filtré » sera nécessairement végan.
Cependant, les styles de vins modernes exigent un processus plus rapide pour répondre à la demande du marché.
L’autre méthode consiste alors à effectuer un collage à partir de protéines végétales.
En effet, il existe des colles faîtes à partir de protéines végétales de la pomme de terre, des pois, du soja, et du blé.
Ainsi, l’utilisation de végétaux permettra d’obtenir un vin végan.
Il reste que ces méthodes ne sont pas obligatoires et insuffisamment répandues, de sorte que l’emploi de substances d’origine animale demeure la technique la plus répandue.
3. Les similitudes avec le vin casher
Le vin casher, consommé par la communauté juive notamment lors du Shabbat, constitue un produit important pour le culte et connait par conséquent une forte demande.
Pour produire du vin casher, certaines conditions doivent être respectées telles que l’adhésion à la communauté juive, la présence d’un représentant du culte sur place au moment des opérations de vinification (CA Bordeaux, 26 juillet 2012, n°09/06900 ; CA Chambéry, Chambre civile, 1re section, 5 Avril 2016 – n° 14/00332) et l’indication sur la bouteille et le bouchon de son caractère casher.
Par ailleurs, il est interdit d’utiliser des produits d’origine animale dans le processus de fabrication.
De ce fait, le collage est généralement effectué à partir de bentonite qui vient de l’argile.
Dès lors, par la simple présence du label casher sur la bouteille, le vin se voit revêtir simultanément les caractéristiques d’un vin casher et végan.
Celui-ci pourra donc être consommé avec certitude par un végétalien.
4. La distinction avec le vin biologique
Bien qu’ils soient tous les deux engagés dans une démarche protectrice de l’environnement, le vin bio et le vin végan contiennent des spécificités différentes.
À cet égard, le principe de la production biologique est de ne pas recourir à des intrants chimiques ou toxiques tels que les pesticides. Seuls les engrais naturels sont donc autorisés.
À la phase du collage, il est interdit d’utiliser certains produits tels que la gélatine d’animal mais il est possible d’introduire du blanc d’oeuf ou de la protéine de lait.
En conséquence, un vin bio ne sera pas forcément végan lorsque le vigneron aura recours à certains produits d’origine animale.
5. La reconnaissance d’un vin végan
- Pourquoi obtenir une certification végane?
Considéré comme un argument de confiance pour les consommateurs, l’octroi d’une certification végane permet d’attester du contrôle du produit par un organisme spécialisé.
Il s’agit de répondre au nouveau besoin d’une proportion de la population qui tend aujourd’hui à s’élargir de plus en plus.
En effet, les produits végans et végétariens vendus en 2018 ont généré un chiffre d’affaires en hausse de 24%, en raison notamment de la remise en cause des bienfaits de certains produits laitiers ou d’origine animale.
Dès lors, à travers la certification végane, les viticulteurs s’engagent à prendre en considération le changement de mode de vie de certains consommateurs.
- Comment obtenir la certification végane ?
En premier lieu, le vigneron doit respecter les principes exposés ci-après:
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- Aucun intrant d’origine animale ne doit être utilisé lors du processus de fabrication;
- Il lui est interdit d’exploiter toute substance ou produit testé sur les animaux;
- Les matériaux utilisés pour la réalisation de l’emballage ne doivent pas contenir de substance d’origine animale.
Ce dernier devra ensuite solliciter la délivrance d’un label permettant de certifier qu’il remplit les conditions relatives à la production de vin végan.
Actuellement, différents labels sont reconnus.
Créé en 2016, Expertise Végane Europe est un organisme français indépendant de contrôle et de labellisation des produits véganes.
De ce fait, le sigle EVE VEGAN certifie que le produit est exempt d’ingrédients d’origine animale et non testé sur les animaux vivants.
La méthode, les conditions de fabrication et l’emballage font donc l’objet de contrôles préalables à la certification.
À cet égard, EVE délivre des certificats aux entreprises qui attestent de la conformité à la règlementation relative au véganisme et leur permet de commercialiser des produits porteurs du logo à travers le monde entier.
Il s’agit du label végan par excellence, depuis la culture de la vigne jusqu’à la commercialisation du vin.
Le Standard Biocyclique Végétalien est un label international officiellement accrédité par l’IFOAM et qui décrit les principes d’une agriculture biologique sans élevage, un environnement de culture riche en biodiversité et une fertilisation 100% végétale.
Celui-ci met donc en valeur les produits véganes « du champ à l’assiette. »
Depuis novembre 2017, le Standard Biocylique Végétalien est disponible dans le monde entier en tant que norme mondiale.
Dès lors, l’organisme EVE Vegan réalise également le contrôle des produits agricoles selon ce standard.
V-Label est un label européen, créé par l’Union Européenne Végétarienne qui œuvre pour la promotion du végétarisme.
Cependant, ce label ne concerne que la vinification et ne garantit pas une culture végétalienne de la vigne.
De ce fait, il est parfaitement concevable, qu’à l’occasion de la viticulture, le vigneron ait eu recours à des fertilisants d’origine animale.
Ce label n’est donc pas 100% végan.
Il s’agit d’un label créé en Angleterre afin de représenter les végétariens ne consommant ni produits laitiers ni oeufs.
Ce label est donc entièrement végan.
6. La mise en place de mécanismes de contrôle de conformité facultatifs
Des contrôles permettent de vérifier la certification du vin à toute étape de la production jusqu’au conditionnement.
En effet, la certification des mentions concernant le cépage ou le millésime est obligatoire pour les vins ne bénéficiant pas d’une appellation d’origine contrôlée ou d’une indication géographique protégée lorsque l’opérateur désire mettre le vin à la consommation sur le territoire national (article R665-18 du Code rural.)
Si le contrôle fait apparaître que les informations relatives au cépage et au millésime ne sont plus véridiques, le bénéfice de la certification peut être retiré à tout moment par l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (article R665-22 du Code rural.)
De surcroit, la DGCCRF a eu l’occasion de coordonner des enquêtes dans le secteur viticole et de nombreuses anomalies ont pu être sanctionnées, telle que la présence de pesticides dans des vins dits biologiques.
Certains manquements ont donné lieu à des avertissements et des mesures de police administrative adressés au professionnel aux fins de mise en conformité du produit.
Or, la certification végane n’est, quant à elle, ni obligatoire, ni encadrée par la loi.
En effet, compte tenu de la souplesse de la législation française sur les indications liées à la clarification sur les étiquettes de vins, il est difficile pour les consommateurs de distinguer les vins classiques des vins végans.
En l’état, il est aisé pour les viticulteurs de mettre en place une publicité mensongère sans risque de recours judiciaire par les consommateurs abusés.
La seule évolution date du 30 juin 2012 où un règlement européen oblige les vignerons à mentionner sur leurs étiquettes la présence de lait, d’oeuf afin de prévenir les risques d’allergies à ces produits chez les consommateurs (règlement n°579/2012 de la commission européenne.)
Cependant, la colle de poisson et la gélatine ne sont pas concernées par cette règlementation.
Dès lors, la seule option qui s’offre aux viticulteurs, soucieux de se conformer à la règlementation végane, est l’obtention d’un certificat de conformité qui justifie du contrôle des produits au regard des critères internationaux de la qualité végane.
Bien que la fiabilité de l’information au consommateur soit considérée comme un élément fondamental, il n’existe actuellement que de faibles contrôles de conformité, sur la base du volontariat.
Pourtant, l’adoption des méthodes végétales dans l’élaboration du vin représente l’avenir écologique pour l’agriculture par sa capacité à protéger la biodiversité, l’espèce animale et la qualité de la terre.
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