Un employeur peut-il effectuer des retenues sur salaires ? - Avity - Cabinet d'avocats

Une question à laquelle se sont retrouvés confrontés de nombreux employeurs mais qui semble au premier abord se heurter au principe de prohibition des sanctions pécuniaires à l’encontre des salariés. Pour autant, une telle mesure est envisageable dans certains cas précisément édictés par la loi et la jurisprudence.

La retenue sur salaire est la mesure par laquelle l’employeur retient tout ou partie de la rémunération que le salarié reçoit en contrepartie de son travail.

La retenue sur salaire potentielle sanction disciplinaire ?

En raison de son caractère alimentaire, le salaire fait l’objet d’une protection toute particulière assurée par le Code du travail. A cet égard, l’article L.1331-2 dispose que les amendes et autres sanctions pécuniaires sont interdites, toute disposition ou stipulation contraire devant être réputée non-écrite.

L’employeur ne peut donc jamais sanctionner disciplinairement un salarié en diminuant ou retenant son salaire, sous peine d’être puni d’une amende de 3775 euros, selon l’article 1334-1 du code du travail.

La chambre sociale de la Cour de cassation a ainsi rappelé dans un arrêt du 19 novembre 1997 n°95-44.309, qu’en cas de comportement fautif du salarié, une retenue sur salaire constitue une sanction pécuniaire interdite par le Code du travail.

L’employeur ne peut ainsi pas retenir la rémunération de ses salariés en cas de mauvaises exécutions de leurs obligations (Cass. Soc. 7 février 2008, n° 06.45.208), ni supprimer les primes en raison d’une faute grave (Cass. Soc. 11 février 2009, n° 07-42.584), ni même le priver temporairement d’un avantage ou d’une réduction sur les services que proposent la société employeur (Cass. Soc 25 octobre 2011, n° 10.15.560). Plus précisément, le fait de supprimer une carte permettant au salarié d’obtenir une quantité précise d’essence chaque mois, en raison d’une utilisation à des fins non-professionnelles, est une sanction pécuniaire prohibée (Cass. Soc. 23 juin 2010).

Certaines sanctions disciplinaires ayant indirectement pour effet de diminuer ou supprimer le salaire demeure licites.

Pendant une mise à pied disciplinaire, le salarié ne peut prétendre au paiement de son salaire du fait de la suspension momentanée de son contrat de travail, ce qui équivaut factuellement à une retenue sur salaire proportionnée à la période de suspension.

Attention, cependant. Si la mise à pied s’avérait injustifiée, le salarié serait en droit de refuser le travail tant que l’employeur ne lui aurait pas rémunéré cette période (Cass. Soc. 23 juin 2009).

Les retenues sur salaire n’en sont pas pour autant toutes prohibées.

  • Les hypothèses de retenue sur salaire licites :

En cas de détérioration par un salarié du matériel ou d’un véhicule de l’entreprise, une retenue sur salaire ne peut être opérée qu’en cas de faute lourde de la part du salarié, c’est-à-dire un acte intentionnel et volontaire (Cass. Soc. 30 septembre 2014). A l’inverse, un simple accident ne suffit pas à motiver légitimement une retenue sur salaire.

L’absence ou le retard injustifié du salarié peuvent également justifier une retenue du salaire d’un salarié (Cass. Soc. 21 mars 2012,).  Deux conditions, toutefois. La retenue sur salaire doit être proportionnée au nombre d’heures manquées (Cass. Soc. 8 juillet 1992 ), et celles-ci ne doivent pas avoir été rattrapées par le salarié au cours du mois.

Il en va de même en cas de grève. L’employeur peut effectuer une retenue sur salaire équivalant au temps de travail non-effectué en raison de la grève.

Il doit cependant veiller à ne pas porter atteinte au droit de grève du salarié, ni faire de discrimination pour fait de grève. Le Conseil d’Etat a ainsi estimé dans une décision du 12 juin 1987 que le fait d’instituer une clause au sein du règlement intérieur permettant de supprimer ou de réduire la prime de fin d’année en raison d’une participation à un mouvement de grève constituait une discrimination contraire à l’article L.2511-1 du Code du travail.

L’employeur peut de plus effectivement opérer des retenues sur salaires lorsque le salarié est débiteur d’une somme d’argent, grâce au mécanisme de la compensation prévu par l’article 1347 du Code civil.

La compensation permet l’extinction de deux dettes réciproques. Pour cela, les deux dettes doivent être fongibles (exister en argent), certaines (ne pas être remises en causes dans leur principe et dans leur existences), liquides (avoir un montant déterminé), et exigibles (être arrivées à échéance).

Ainsi, les sommes indûment versées par l’employeur peuvent faire l’objet du mécanisme de la compensation et donc de retenue sur salaire. C’est le cas lorsqu’il est question d’erreur sur le montant du salaire, de trop perçus constatés (Cass. Soc. 3 novembre 2011), de versement de primes auxquelles le salarié n’avait pas droit, sans que l’employeur n’ait à prouver d’erreur de sa part (Cass. Civ 1ère , 17 juillet 1984).

Pour être efficace, la compensation doit être clairement invoquée et à ce titre être mentionnée et motivée sur le bulletin de paie.

Une limite claire est cependant posée par l’article L.3251-1 du Code du travail : l’employeur ne peut opérer une retenue de salaire pour compenser des sommes qui lui seraient dues par un salarié pour fournitures diverses, peu important leur nature.

Par exception, l’employeur peut retenir une partie d’un salaire au titre d’une compensation portant sur une dette relative aux outils et instruments de travail, aux matières ou matériaux dont le salarié a la charge et l’usage ainsi qu’aux sommes avancées pour l’acquisition de ces mêmes objets, selon l’article L.3251-2.

La Cour de cassation a précisé dans une décision du 6 mai 2009, n° 07.-44.485, que, y compris en ce qui concerne le droit à compensation, la retenue sur salaire ne pouvait s’opérer qu’en cas de faute lourde de la part du salarié.

S’agissant des avances en argent concédées par un employeur, l’article L.3251-3 du Code du travail prévoit que ce dernier ne peut se rembourser qu’au moyen de retenues successives ne dépassant pas le dixième du montant des salaires exigibles.

Plus généralement, la retenue sur salaire au titre de la compensation ne pouvant s’opérer que dans la limite de la part saisissable des salaires (Cass. Soc. 6 mars 1980), lesquelles sont déterminées par l’article R.3252-2 du Code du travail.

Dans tous les cas, l’article R.3252-5 du Code du travail prévoit qu’une somme au moins égale au montant du RSA doit être conservée pour le salarié.

Nota bene : la compensation est totale lorsqu’elle s’effectue sur des sommes qui n’ont pas le caractère de salaire, telle que des indemnités de licenciement (Cass. Soc. 23 janvier 1998).

En définitive, chaque situation de travail doit être analysée afin d’étudier la licéité de la retenue sur salaire. Il est alors judicieux de prendre conseil auprès d’un avocat en droit du travail afin d’étudier les caractéristiques du cas en présence.


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