La société à mission : création ou conversion des entreprises au service d’enjeux sociaux et environnementaux - Avity - Cabinet d'avocats

Créé par la loi PACTE du 22 mai 2019, le label « société à mission » peut être utilisée depuis la publication du décret d’application du 2 janvier 2020.

 

A l’instar des « Flexive Purpose Corporation » et « Benefit Corporation » américaines, les sociétés à mission ont vocation à permettre aux sociétés d’allier activité lucrative et poursuite d’un objectif social ou environnemental.

Ce label constitue l’aboutissement du mouvement de la Responsabilité Sociétale des Entreprises en élargissant les finalités traditionnelles des entreprises.

L’objectif est alors de répondre à un intérêt collectif et donner un sens à l’action de l’ensemble des collaborateurs de la société.

 

La notion de société à mission

Il ne s’agit pas d’une nouvelle forme sociale, ni d’un nouvel outil relevant de l’économie sociale et solidaire.

Il s’agit d’une qualité, d’un label, que peut revendiquer une entreprise inscrite dans une économie patiente, c’est à dire prête à renoncer à des profits à court terme afin de viser une création de valeur durable, en intégrant des valeurs sociales et environnementales au sein de son business plan.

Le principe est donc l’adoption d’objectifs sociaux ou environnementaux qui viennent compléter à titre accessoire la finalité lucrative de la société.

Ces objectifs inscrits dans les statuts constitutifs lui donneront le droit de recevoir la mention « société à mission ».

Cette mention pourra alors figurer sur tout acte, document ou support électronique, tel que son site internet.

Un Label exclusivement destiné aux sociétés commerciales

Les dispositions légales régissant la société à mission ne sont applicables qu’aux sociétés commerciales et aux mutuelles et coopératives.

 

Les conditions d’obtention du label

La société à mission est introduite au sein du code de commerce par des articles L. 210-10 à L. 210-12.

En vertu de ces dispositions, une entreprise pourra faire état de la qualité de société à mission, lorsque les conditions suivantes seront respectées :

  • L’adoption d’une raison d’être

Il s’agit d’une simple faculté offerte aux sociétés mais reste une condition indispensable pour l’adoption de la qualité de société à mission.

Une « raison d’être » désigne les principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens.

La notion de raison d’être au sens de l’article 1835 du Code civil s’entend de la mission que la société se donne dans un environnement, cette mission a une vocation évolutive, sans être un engagement définitif.

Le législateur n’a pas entendu restreindre le champ d’application de la raison d’être, ce qui laisse un large choix aux sociétés.

Parmi les exemples les plus célèbres, le distributeur Carrefour s’est doté d’une raison d’être qui consiste à « proposer aux clients des services, des produits et une alimentation de qualité et accessibles à tous à travers l’ensemble des canaux de distribution. »

En outre, l’entreprise Danone se donne pour mission « de nourrir les citoyens, les communautés et le monde grâce à des produits alimentaires sains. »

Enfin, la société SNCF a récemment adopté dans ses statuts une raison d’être consistant à « apporter à chacun la liberté de se déplacer de se déplacer facilement en préservant la planète. »

  • La poursuite d’un ou plusieurs objectifs sociaux ou environnementaux par la société dans le cadre de son activité

Plus contraignant que l’adoption statutaire d’une raison d’être, il s’agit de conjuguer la recherche du profit prévu à l’article 1832 du Code civil et se fixer en même temps des objectifs précis permettant de résoudre un problème social ou environnemental.

  • La mise en place de mécanismes de contrôle

La loi impose un véritable suivi dans l’exécution de la mission dont la société est assujettie.

À cet égard, un double contrôle s’opère.

D’une part, un contrôle interne est réalisé par un comité de mission, qui est distinct des organes sociaux et qui comprend au moins un salarié. Les statuts de la société doivent préciser les modalités de suivi de l’exécution de la mission.

Ce comité est chargé du suivi de l’exécution de la mission et présente annuellement un rapport joint au rapport de gestion à l’assemblée chargée de l’approbation des comptes.

D’autre part, un contrôle externe est mis en place par un organisme tiers indépendant.

Celui-ci est chargé de vérifier, au moins tous les deux ans, l’exécution par la société de ses objectifs sociaux et environnementaux et rend, à cet effet, un avis motivé et public.

Dès lors, l’adoption de la qualité de société à mission demeure très encadrée.

  • La publication de cette qualité au greffe du Tribunal de commerce

L’intérêt de la société à mission

Contrairement à ce qui est prévu pour des formes similaires en droit étranger, les sociétés et groupements à mission ne bénéficient, en l’état actuel du droit positif, d’aucune aide d’Etat, que ce soit sous forme d’avantage fiscal ou de subvention publique.

Toutefois en raison du régime qui encadre ce statut, et du développement de la prise en compte des problématiques de la RSE par les parties prenantes, la mention « société à mission » constitue un argument marketing indéniable, notamment en termes de stratégie de communication, ou de recrutement.

Par ailleurs, on pourrait imaginer qu’un appel d’offre soit réservé à des sociétés qui ont ce statut particulier par exemple.

En sus, la loi prévoit la possibilité pour les sociétés bénéficiant de ce statut d’accueillir des personnes condamnées à des travaux d’intérêt général.

 

Le cadre juridique

La société à mission repose sur une démarche volontaire et sa capacité à emporter l’adhésion repose sur la qualité du label qui lui est associé.

La fiabilité de ce label est indispensable pour les clients, les parties prenantes et les salariés.

C’est la raison pour laquelle la réalisation des objectifs sociaux et environnementaux constitutifs de la mission fait l’objet d’un contrôle strict.

Le décret du 2 janvier 2020 est venu préciser les caractéristiques de ce contrôle.

  • La vérification par un organisme tiers indépendant

La loi PACTE a prévu un suivi de la mission par un organisme tiers indépendant.

Ce tiers est désigné parmi les organismes accrédités à cet effet par le Comité français d’accréditation.

En sus, il est soumis aux mêmes incompatibilités que celles prévues à l’article L. 822-11-3 du code de commerce applicables aux commissaires aux comptes.

Il est désigné par le conseil d’administration pour une durée initiale qui ne peut excéder six exercices, renouvelables dans la limite d’une durée totale de douze exercices.

  • Fréquence de vérification

L’organisme se doit de vérifier au moins tous les deux ans l’exécution des objectifs sociaux ou environnementaux que s’est fixée la société.

La première vérification intervient dans les dix-huit mois qui suivent la publication de la déclaration de la qualité de société de mission au registre du commerce et des sociétés.

Lorsqu’une société emploie moins de cinquante salariés et qu’elle a nommé un référent permanent affecté au suivi de la mission, la première vérification intervient dans les vingt-quatre mois suivant la publication au registre du commerce et des sociétés.

  • Délivrance de l’avis de vérification

Pour délivrer l’avis mentionné à l’alinéa 4 de l’article L. 210-10 du code de commerce, l’organisme tiers a accès à l’ensemble des documents détenus par la société.

L’organisme procèdera à toute vérification sur place qu’il estime utile au sein de la société.

Ces informations lui permettront de rendre un avis motivé qui indiquera si la société respecte, les objectifs qu’elle s’est fixée dans ses statuts.

Enfin, l’avis sera joint au rapport annuel du comité de mission.

Il devra également être publié sur le site internet de la société et demeurera accessible publiquement au moins cinq ans.

 

La sanction du non-respect des engagements

S’agissant tout d’abord de la méconnaissance de la raison d’être, la loi ne prévoit pas de sanction spécifique.

Cependant, le fait que cette dernière figure dans les statuts lui confère une valeur juridique et oblige son auteur à s’y conformer.

À défaut, il s’agit d’une violation des statuts, susceptible d’engager la responsabilité de la société et de ses dirigeants.

Par ailleurs, l’article L210-11 du Code du commerce prévoit que lorsqu’une des conditions de constitution fait défaut ou lorsque l’avis de l’organisme tiers conclut qu’un objectif de la mission n’a pas été respecté, le ministère public ou tout intéressé peut saisir le président du tribunal statuant en référé.

Ce dernier peut enjoindre au représentant légal de la société de supprimer la mention de « société à mission » dans tous les actes élaborés par celle-ci.

Dès lors, la sanction exposée ci-avant est radicale.

En conséquence, l’octroi de ce label n’est pas à prendre à la légère il confère certes une finalité non lucrative et un argument marketing indéniable mais la société doit s’engager à respecter ses objectifs, sous peine d’entrainer la perte automatique de la qualité de société à mission.

Toutefois, il est important de préciser que la qualité de société à mission n’est pas définitive.

Les associés peuvent donc décider à tout moment de modifier les statuts afin de revenir au fonctionnement d’une société de droit commun.