Gouvernance d’entreprise : de la conformité au levier stratégique - Avity - Cabinet d'avocats

Longtemps perçue comme un exercice contraignant de conformité, la gouvernance d’entreprise est désormais au cœur de la stratégie des sociétés, cotées comme non cotées. Les investisseurs attendent une organisation claire des pouvoirs, une gestion structurée des risques, une transparence financière et extra-financière, ainsi qu’un fonctionnement efficace des conseils et comités spécialisés.

Dans ce contexte, la gouvernance d’entreprise stratégique ne se limite plus à « cocher les cases » règlementaires : elle devient un outil de création de valeur, de sécurisation des dirigeants et d’attractivité auprès des investisseurs, des partenaires et des salariés. Chaque situation restant particulière, un audit de gouvernance adapté à la taille, au secteur et à l’actionnariat de la société demeure indispensable. ⚖️


I. De la gouvernance-conformité à la gouvernance d’entreprise stratégique

1. Un cadre juridique en profonde évolution

Le droit des sociétés français a progressivement déplacé le centre de gravité de la seule protection des actionnaires vers la prise en compte de l’intérêt social et des enjeux sociaux et environnementaux. La loi Pacte a ainsi consacré l’obligation pour toute société d’être gérée dans son intérêt social en prenant en considération ces enjeux, et a ouvert la possibilité d’inscrire une « raison d’être » dans les statuts.

Parallèlement, un corpus dense de textes européens et nationaux (directive SRD2, textes sur la transparence extra-financière, devoir de vigilance, CSRD sur le reporting de durabilité) renforce le rôle des organes sociaux et encadre la manière dont l’entreprise informe ses investisseurs sur :

  • ses performances financières 💶,

  • ses impacts sociaux et environnementaux 🌍,

  • sa gestion des risques à court, moyen et long terme.

La gouvernance d’entreprise stratégique consiste à anticiper ces exigences, plutôt qu’à les subir, et à les intégrer dans la réflexion globale de la société (investissements, organisation, financement, communication).

2. Des attentes accrues des investisseurs et autres parties prenantes

Les investisseurs ne se contentent plus de comptes annuels certifiés. Ils recherchent :

  • une information claire sur la stratégie et les risques (cyber, conformité, RSE, réputation) 📊 ;

  • une transparence sur la rémunération des dirigeants et les transactions avec les parties liées ;

  • des indicateurs extra-financiers fiables (climat, droits humains, éthique des affaires) ;

  • la preuve que les conseils et comités jouent réellement leur rôle de contrôle et de contre-pouvoir.

Pour les sociétés non cotées (PME, ETI, groupes familiaux), ces attentes se traduisent par la pression :

  • des banques et autres financeurs,

  • des clients grands comptes,

  • des assureurs (notamment en matière d’assurance des dirigeants).


II. Articulation des pouvoirs : actionnaires, conseils et dirigeants

1. Les actionnaires : du capital à l’engagement de long terme

L’actionnaire n’est plus seulement apporteur de capital : ses droits politiques (vote, information, participation aux décisions) sont conçus pour lui permettre d’orienter la politique économique et financière de la société, tout en assumant les risques liés à son investissement.

Les réformes inspirées par la directive SRD2 visent à renforcer :

  • l’identification des actionnaires,

  • la facilitation de l’exercice de leurs droits (vote à distance, information préalable, transparence) 🗳️,

  • leur contrôle sur la rémunération des dirigeants et certaines opérations sensibles.

La gouvernance d’entreprise stratégique amène donc les sociétés à :

  • clarifier les droits et devoirs des actionnaires,

  • structurer le dialogue actionnaires / conseil,

  • sécuriser les décisions d’assemblée (convocations, ordre du jour, procès-verbaux, pactes d’actionnaires). 📌

2. Le dirigeant et l’associé-dirigeant : pouvoir, responsabilité et conflits d’intérêts

Le dirigeant social concentre un pouvoir important : il fixe les orientations opérationnelles, négocie les contrats, engage la société et porte, à ce titre, une responsabilité personnelle, civile comme pénale, vis-à-vis de la société et des tiers.

Lorsque le dirigeant est également associé ou actionnaire, sa position est encore plus stratégique : il cumule propriété et pouvoir, et bénéficie d’un poids particulier dans la définition de la stratégie, la préparation des comptes et la distribution des résultats.

Cette double qualité présente des atouts (alignement d’intérêts, connaissance fine de l’entreprise), mais aussi des risques :

  • conflits d’intérêts dans la négociation de sa rémunération ou de conventions le concernant ;

  • tentation de privilégier la distribution à court terme au détriment de l’investissement ;

  • manque d’objectivité dans certaines décisions stratégiques ou de restructuration.

Une gouvernance d’entreprise stratégique suppose donc :

  • d’encadrer ces situations (procédures de conventions réglementées, abstention de vote, documentation des décisions) ;

  • de préciser les rôles au sein des statuts, pactes et règlements intérieurs ;

  • de sensibiliser le dirigeant à sa responsabilité personnelle et, le cas échéant, de mettre en place une assurance des dirigeants adaptée. 🛡️

3. Le conseil et ses comités : cœur du dispositif de contrôle

Dans les sociétés anonymes, le conseil d’administration ou le directoire doit déterminer les orientations de l’activité dans l’intérêt social, en tenant compte des enjeux sociaux et environnementaux.

Pour exercer efficacement ce rôle, le conseil s’appuie de plus en plus sur des comités spécialisés :

  • Comité d’audit / des risques : suivi des comptes, contrôle interne, gestion des risques, conformité ;

  • Comité des rémunérations : politique de rémunération des dirigeants, alignement avec la performance et les risques ;

  • Comité RSE / durabilité : stratégie extra-financière, plan de vigilance, reporting CSRD ;

  • Comité des nominations / gouvernance : composition du conseil, indépendance, succession des dirigeants.

La gouvernance d’entreprise stratégique implique que ces comités disposent :

  • de mandats clairs, formalisés (chartes, règlements intérieurs) ;

  • d’une information complète, financière et extra-financière ;

  • d’un calendrier de travaux articulé avec les échéances réglementaires (rapports financiers, déclarations de performance extra-financière, rapports de gouvernance). 🗓️


III. Mettre en place une gouvernance d’entreprise stratégique : principaux chantiers

1. Cartographier la gouvernance existante et les risques

Pour transformer la gouvernance en levier stratégique, il est recommandé de commencer par :

  • cartographier les organes existants (assemblées, conseil, comités, direction générale) ;

  • identifier les textes applicables (droit des sociétés, marchés financiers, secteurs réglementés, etc.) ;

  • recenser les principaux risques :

    • gouvernance (conflits entre associés, blocages, défaut de quorum),

    • conformité (droit boursier, RSE, données personnelles, anticorruption),

    • responsabilité des dirigeants.

Cette approche permet de disposer d’une vision d’ensemble des forces et fragilités de la gouvernance. 🔍

2. Structurer conseils et comités

En fonction de la taille et de la complexité de la société, plusieurs leviers peuvent être actionnés :

  • revoir la composition du conseil (profils, indépendance, diversité) ;

  • créer ou réorganiser les comités (audit, risques, rémunérations, RSE) avec des missions clairement définies ;

  • formaliser les règles de fonctionnement (calendrier, information, remontée des alertes, gestion des conflits d’intérêts) ;

  • organiser des séances de formation des administrateurs et dirigeants sur leurs responsabilités et sur les évolutions réglementaires. 🎓

3. Intégrer la gouvernance dans la stratégie et le dialogue avec les investisseurs

Enfin, la gouvernance d’entreprise stratégique doit irriguer :

  • la définition des orientations de long terme (croissance, transformation, durabilité) ;

  • les choix de financement (introductions en bourse, émissions de titres, opérations de haut de bilan) et les documents d’information correspondants ;

  • la politique de distribution (dividendes, rachats d’actions) en cohérence avec les investissements et la politique RSE ;

  • la préparation des rapports destinés aux investisseurs (rapport financier, rapport de gestion, information extra-financière).

L’objectif est de faire de la gouvernance un véritable outil de pilotage plutôt qu’un simple exercice formel. ✅


FAQ

1. Pourquoi parle-t-on aujourd’hui de gouvernance d’entreprise « stratégique » ? 🤔
Parce que la gouvernance ne se limite plus à respecter la loi ou les codes de place : elle conditionne l’accès au financement, la confiance des investisseurs et des partenaires, la maîtrise des risques, et contribue à la réputation de l’entreprise. Elle fait désormais partie intégrante de la stratégie.

2. Une PME ou une ETI non cotée est-elle réellement concernée ?
Oui. Même si certaines obligations (prospectus, information permanente boursière) ne s’appliquent qu’aux sociétés cotées, les exigences de transparence et de maîtrise des risques se diffusent à toutes les entreprises via les banques, les grands donneurs d’ordre, les assureurs ou les futurs acquéreurs.

3. Faut-il obligatoirement créer des comités spécialisés ?
Non, la loi n’impose des comités qu’à certaines sociétés, mais il est souvent pertinent d’en créer, même de manière souple, pour structurer les travaux du conseil sur les comptes, les risques, la rémunération ou la RSE. Leur pertinence dépend de la taille, de l’activité et du profil actionnarial.

4. Comment réduire le risque de conflit d’intérêts de l’associé-dirigeant ? ⚠️
Par des procédures claires (conventions réglementées, abstention de vote, documentation des décisions), une répartition des rôles entre direction et conseil, et le cas échéant par l’intervention d’administrateurs indépendants. L’accompagnement d’un avocat permet de sécuriser ces mécanismes.


Conclusion

La gouvernance d’entreprise stratégique est un investissement, non une contrainte. Organiser les pouvoirs, renforcer les conseils et comités, encadrer les situations sensibles (associé-dirigeant, opérations entre parties liées, information des investisseurs) permet de sécuriser la société et ses dirigeants tout en répondant aux attentes croissantes du marché.

Si vous vous interrogez sur l’adaptation de votre gouvernance, notre cabinet peut vous accompagner pour auditer votre organisation, repenser vos organes sociaux et sécuriser vos procédures de décision et d’information, dans le respect de votre culture d’entreprise. Cet article constitue une information générale et ne remplace pas un conseil personnalisé. 📞