Coronavirus - un événement de force majeure ? - Avity - Cabinet d'avocats
Avec la propagation de Coronavirus à travers le monde, de nombreux contractants commencent à invoquer des cas de force majeure pour justifier l’impossibilité d’exécution de leurs engagements contractuels.
Si le Ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, a effectivement reconnu au Coronavirus comme un cas de force majeure pour les entreprises dans le cadre de contrats passés avec l’Etat, la question demeure s’agissant des relations contractuelles entre personnes privées.

L’article 1218 alinéa 1er du Code civil dispose qu’en matière contractuelle, il y a force majeure : « lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur. » 

L’article 1218 alinéas 1er, introduit dans le code à l’occasion de la réforme du droit des obligations, reprend les critères jurisprudentiels antérieurs d’imprévisibilité et d’irrésistibilité.

A défaut de dispositions contractuelles particulières, il convient donc d’apprécier la situation créée par la crise sanitaire au regard des critères d’imprévisibilité et d’extériorité.

  • L’imprévisibilité.

Elle s’apprécie au jour de la conclusion du contrat. En conséquence, si l’événement était prévisible au moment de la formation du contrat, cela signifie que le débiteur a entendu supporter le risque de ne pas pouvoir exécuter son obligation. De ce fait, un cas de force majeure ne peut être évoqué lorsque l’événement préexiste au contrat.

En l’état, il semble évident que, pour les contrats conclus antérieurement à l’apparition du Coronavirus, les parties ne pouvaient prévoir l’impossibilité d’exécuter leurs obligations au moment de la conclusion du contrat. La condition d’imprévisibilité semble caractérisée pour les contrats passés avant l’adoption des mesures de confinement.

En revanche, pour les contrats nouvellement conclus, il faut s’interroger sur le moment à partir duquel l’intervention du virus et les mesures de confinement sur le contrat aura pu être anticipée.

En conséquence, tout dépend de la date de conclusion du contrat et de l’évolution de la situation.

  • L’irrésistibilité.

Afin de mettre en œuvre la force majeure, l’événement doit également être irrésistible, tant dans sa survenance (inévitable) que dans ses effets (insurmontables).

A cet égard il y a lieu d’apprécier chaque situation.

D’un part, si l’existence même du virus ne saurait constituer un évènement irrésistible, il s’agirait davantage des mesures imposées par le gouvernement qui pourraient être reconnues comme constitutives de force majeure du fait de leur caractère exceptionnel (donc imprévisible) et impératif (donc irrésistible).

D’autre part, la force majeure doit s’apprécier en considération de l’impossibilité de mettre en œuvre des mesures appropriées permettant l’exécution de ses obligations. En effet, si des mesures alternatives (délais de livraisons, continuité des services, mesures étatiques de soutient à l’économie, etc…)  auraient pu être mise en place il semble que la Force majeure puisse être écartée.

  • Conséquences de la Force Majeure.

Une fois caractérisé, le cas de force majeure  libère le débiteur. L’obligation est éteinte et le créancier ne peut obtenir de dommages-intérêts pour inexécution du contrat.

En effet, l’article 1218 alinéa 2 précise que «si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1. » 

L’application de cet article au contexte actuel suppose donc de déterminer si le retard dans l’exécution de la prestation, en raison des mesures de confinement, rend le contrat dépourvu d’utilité pour l’autre partie.

À titre d’exemple, tel est le cas pour la célébration d’un mariage qui suppose que celui-ci se déroule à une date déterminée par les intéressés, ce dont il résulte que tout retard en raison de la propagation du virus justifie que soit résolu l’ensemble des contrats contractés à cette occasion.

Le contrat est donc résolu, ce qui entraîne, par conséquent, la restitution des prestations réciproques.

 A cet égard, si une des parties a effectué le versement d’un acompte ou d’arrhes à l’occasion d’une réservation qui se trouve désormais compromise par la propagation du virus, celle-ci serait fondée à demander la restitution du montant versé à l’autre partie.

  • Attention au contrat.

Il est admis que les règles répartissant les effets de la force majeure sur le contrat sont supplétives de volonté.

Sa licéité est désormais confirmée par l’article 1351 du Code civil qui dispose que la force majeure ne libère pas le débiteur de son obligation s’il a accepté de s’en charger.

Ainsi, les parties demeurent libres d’aménager les clauses contractuelles et convenir de faire peser sur l’une, l’autre ou les deux d’entre elles, les conséquences de la survenance d’une impossibilité fortuite d’exécution, dans les proportions qu’elles déterminent.

Ces clauses peuvent avoir pour objet d’étendre les obligations du débiteur lorsque celui-ci accepte de prendre en charge la force majeure mais elles peuvent également tenter d’élargir la force majeure par une définition plus accueillante que celle légalement prévue.

Dans cette hypothèse, si une clause contractuelle stipule que « l’intervention de toute épidémie n’affectera pas l’exécution du contrat », celle-ci neutralise l’effet libératoire de la force majeure et oblige concrètement le débiteur à exécuter le contrat.

Il est donc nécessaire, pour savoir si une personne peut invoquer la force majeure pour annuler un événement ou demander son report, d’analyser les contrats existants entre les parties et notamment vérifier l’existence et la rédaction d’une clause de force majeure.

En l’absence d’une telle clause dans le contrat, il semblerait que l’épidémie de coronavirus constitue un cas de force majeure, conformément à la qualification retenue par la Cour d’appel de Douai (CA de Douai, 5 mars 2020, n°20/00400.).