L’absence de pratique commerciale trompeuse confirmée par la Cour de cassation
[Cour de cassation, Ch. Crim., 12 juin 2019, n° 18-83.298]
L’utilisation à des fins commerciales de termes susceptibles d’induire les consommateurs en erreur constitue une pratique commerciale trompeuse prohibée par le Code de la consommation (article L. 121-2).
Cet arrêt met en évidence l’intérêt de ce fondement juridique dans la stratégie de défense d’une marque enregistrée.
La chambre criminelle de la Cour de cassation, dans sa décision du 12 juin 2019, rejette le pourvoi du Château Petrus et confirme l’absence de pratique commerciale trompeuse.
En reprenant les motifs de la Cour d’appel de Bordeaux, la Haute Juridiction considère que « la pratique concernée n’était pas trompeuse ni susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique d’un consommateur de vin normalement informé et raisonnablement attentif et avisé ».
Pour rappel, le litige remonte à huit ans, quand Stéphane COUREAU, dirigeant de l’entreprise CGM avec son frère, négociants et propriétaires à Saint-Savin (Gironde) décident de nommer leur vin « Petrus Lambertini Major Burdegalensis 1208 » en référence au premier maire de Bordeaux au XIème siècle : Pierre LAMBERT.
Stéphane COUREAU expliquait à l’AFP : « Nous avons déposé deux marques qui ont été acceptées par l’INPI (l’Institut national de la propriété industrielle). Mais PETRUS a fait opposition à l’INPI ».
L’opposition du CHATEAU PETRUS avait cependant été rejetée par l’INPI, considérant que l’appréciation globale des signes en présence ne permettait pas de conclure à l’existence d’un risque de confusion entre les deux marques.
Le CHATEAU PETRUS située sur l’appellation Pomerol, ne s’est pas déclaré vaincu pour autant. C’est ainsi que le CHATEAU PETRUS portait plainte contre Messieurs COUREAU. Par la suite, une information judiciaire était ouverte contre les cogérants de la société CGM. Puis, par ordonnance du 17 août 2015, ces derniers étaient renvoyés devant le Tribunal correctionnel pour « pratiques commerciales trompeuses » après la publication sur Internet d’une annonce d’un particulier souhaitant revendre des bouteilles du « second vin de Petrus ».
En première instance, CHATEAU PETRUS avait obtenu gain de cause dans la mesure où, aux yeux des juges du Tribunal correctionnel de Bordeaux, même si cette cuvée était vendue sous l’appellation « Côtes de Bordeaux » à un prix voisin de 10 euros, soit bien inférieur à celui du prestigieux cru de Pomerol, la présentation visuelle entretenait un risque de confusion préjudiciable au CHATEAU PETRUS.
Les frères COUREAU se voyaient alors déclarés coupables des faits qui leur étaient reprochés au pénal et, dans le même temps, responsables du préjudice subi par le CHATEAU PETRUS au plan civil.
Ces derniers interjetaient appel du jugement contradictoire rendu par le Tribunal correctionnel tant sur les dispositions civiles que pénales ; tandis que le Ministère Public formait un appel du dispositif pénal et le CHATEAU PETRUS relevait appel du dispositif civil.
Par un arrêt en date du 3 avril 2018, la Cour d’Appel de Bordeaux déboutait le célèbre château Petrus considérant que la pratique commerciale trompeuse n’est pas caractérisée.
A l’issue de cette décision, le CHATEAU PETRUS indiquait sa volonté de se pourvoir en cassation pour tenter de faire casser et annuler la décision.
Ce pourvoi du CHATEAU PETRUS a donné lieu à l’arrêt de rejet de la Chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 12 juin 2019.
Si l’usage de l’étiquette de la société CGM ne doit pas être condamné pénalement, cela ne signifie pas pour autant que la marque PETRUS ne demeure pas protégée.
D’une part, la portée de cette décision est limitée et ne saurait être interprétée comme cautionnant tout usage du nom « PETRUS » sur des étiquettes de vin, car la décision est rendue uniquement sur le fondement des dispositions du Code de la consommation relatives aux pratiques commerciales trompeuses.
D’autre part, les droits exclusifs du CHATEAU PETRUS portant sur le nom « PETRUS » demeurent inchangés dans la mesure où n’était pas question de se prononcer sur la validité de la marque et une éventuelle déceptivité de celle-ci.
Droit des marques – Propriété intellectuelle – Pratiques commerciales trompeuses – Risque de confusion – Contrefaçon de marque – Avocat au Barreau de Bordeaux