La transparence est devenue un pilier de la gouvernance d’entreprise. Les sociétés ne sont plus jugées uniquement à l’aune de leurs résultats financiers, mais aussi à travers leurs impacts sociaux, environnementaux et sociétaux. Les investisseurs exigent une information financière et extra-financière complète, fiable et comparable. 📊
Le droit français et européen a bâti, ces dernières années, un ensemble de règles d’information particulièrement dense (règlement Prospectus, directive Transparence, règlement Abus de marché, devoir de vigilance, CSRD, etc.), qui impacte directement la gouvernance et les responsabilités des dirigeants. ⚖️
I. L’information financière : un socle de transparence sous contrôle
1. Offre au public et admission aux négociations : le régime du prospectus
En cas d’offre au public de titres financiers ou d’admission à la négociation sur un marché réglementé, les sociétés doivent publier un prospectus conforme au règlement européen applicable. Ce document, visé par l’Autorité des marchés financiers (AMF), présente de manière détaillée :
-
la situation financière et les comptes de la société 💶,
-
sa stratégie et ses risques,
-
les caractéristiques des titres offerts.
L’objectif est de fournir aux investisseurs des informations suffisantes pour fonder une décision d’investissement en connaissance de cause.
2. Information périodique et permanente des émetteurs
Les sociétés dont les titres sont admis sur un marché réglementé sont soumises à des obligations d’information récurrente, contrôlées par l’AMF :
-
information périodique :
-
rapport financier annuel dans les quatre mois de la clôture (comptes annuels, rapport de gestion, rapports des commissaires aux comptes) ;
-
rapport semestriel avec comptes condensés à la fin du premier semestre ;
-
-
information permanente : diffusion sans délai de toute information privilégiée susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des titres.
À ces obligations s’ajoutent :
-
la déclaration des opérations réalisées par les dirigeants sur les titres de la société ;
-
l’établissement d’un rapport sur le contrôle interne et le gouvernement d’entreprise ;
-
la mise en place de procédures internes de gestion de l’information privilégiée (listes d’initiés, politique de communication, gestion des rumeurs de marché).
La transparence financière suppose donc une organisation interne robuste (direction financière, juridique, secrétariat général, comité d’audit) et une articulation étroite avec les organes de gouvernance. 📌
II. L’information extra-financière : RSE, devoir de vigilance et CSRD
1. De la RSE à la prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux
Le contrat de société a été repensé pour intégrer une finalité sociétale et environnementale. Le code civil impose désormais de gérer la société dans son intérêt social en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité. 🌍
Les grandes entreprises, cotées ou dépassant certains seuils, doivent publier, dans leur rapport de gestion, une déclaration de performance extra-financière décrivant les conséquences sociales et environnementales de leurs activités, ainsi que leurs actions en matière de droits humains, de lutte contre la corruption ou l’évasion fiscale.
2. Devoir de vigilance et plan de vigilance
La loi sur le devoir de vigilance impose aux grandes entreprises dépassant certains seuils d’effectifs de mettre en place un plan de vigilance visant à prévenir les atteintes graves aux droits humains, à la santé, à la sécurité des personnes et à l’environnement dans l’ensemble de leur chaîne de valeur.
Ce plan implique :
-
une cartographie des risques,
-
des procédures d’évaluation des filiales, sous-traitants et fournisseurs,
-
des actions de prévention et de remédiation,
-
un mécanisme d’alerte et de recueil des signalements. 🚨
Une directive européenne récente renforce et harmonise ces exigences au niveau de l’Union, avec un calendrier de mise en œuvre progressive selon la taille des entreprises et leur chiffre d’affaires.
3. La CSRD : vers un reporting de durabilité standardisé
La directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) impose aux grandes entreprises et à certaines PME cotées de publier des informations de durabilité beaucoup plus détaillées, standardisées et certifiées par un tiers.
Concrètement, cela implique pour les sociétés concernées :
-
d’adopter des normes européennes de reporting de durabilité (ESRS) ;
-
de documenter la double matérialité (impacts de l’entreprise sur l’environnement et la société, et impacts des enjeux de durabilité sur l’entreprise) ;
-
de faire certifier ces informations par un commissaire aux comptes ou un organisme tiers indépendant ;
-
de rendre ces données facilement accessibles et comparables au niveau européen.
Cette montée en puissance de la transparence extra-financière transforme profondément la gouvernance : les questions ESG ne peuvent plus être cantonnées à une fonction support, mais doivent être portées par le conseil et la direction. ✅
III. Transformer la transparence en levier de gouvernance et de stratégie
1. Organiser la gouvernance de l’information
Pour répondre aux attentes des investisseurs et aux exigences réglementaires, il est recommandé de structurer une gouvernance de l’information associant :
-
le conseil d’administration et, le cas échéant, un comité spécialisé (audit, risques, RSE) ;
-
la direction générale et la direction juridique ;
-
la direction financière (reporting, contrôle interne) ;
-
la direction RSE/durabilité et les fonctions opérationnelles (achats, RH, production).
Les missions peuvent inclure :
-
la validation des messages clés aux investisseurs ;
-
le suivi des indicateurs financiers et extra-financiers ;
-
la supervision des procédures de collecte des données et des contrôles internes ;
-
la préparation des rapports (rapport de gestion, DPEF, documentation CSRD, plan de vigilance). 📑
2. Cartographier les obligations et les attentes du marché
Chaque société devrait disposer d’une cartographie de ses obligations d’information en fonction de :
-
sa forme sociale (SA, SAS, etc.) et de son statut coté ou non ;
-
ses seuils d’effectifs et de chiffre d’affaires (application du devoir de vigilance, de la CSRD) ;
-
son secteur (réglementations spécifiques) ;
-
ses modes de financement (émissions de titres, recours aux marchés, financement bancaire durable).
Au-delà des obligations minimales, il convient également d’identifier les attentes des investisseurs : labels ESG, notations extra-financières, exigences des banques en matière de finance durable, demandes spécifiques de grands clients. 📈
3. Sécuriser la responsabilité des dirigeants
La multiplication des obligations d’information accroît mécaniquement le risque de mise en cause personnelle des dirigeants en cas de manquement (information trompeuse, omission significative, défaut de vigilance).
Une gouvernance maîtrisée de la transparence permet de :
-
démontrer l’existence de procédures internes sérieuses (ce qui peut atténuer le risque de faute de gestion) ;
-
tracer les décisions (rapports aux conseils, procès-verbaux, validations) ;
-
calibrer les couvertures d’assurance des dirigeants (D&O) en fonction des risques identifiés. 🛡️
FAQ
1. Quelles entreprises sont soumises aux obligations d’information extra-financière ? 🤔
Les grandes entreprises cotées et, au-delà de certains seuils de bilan, de chiffre d’affaires et d’effectif, les grandes entreprises non cotées doivent publier une déclaration de performance extra-financière. La CSRD élargit encore ce champ, en visant la plupart des grandes entreprises et certaines PME cotées, ainsi que des sociétés non européennes actives dans l’UE.
2. Information financière et extra-financière doivent-elles être présentées ensemble ?
De plus en plus, oui. L’enjeu est de construire un récit cohérent : stratégie, performance financière, risques et enjeux de durabilité doivent être articulés. Les investisseurs attendent une vision d’ensemble, dans laquelle les indicateurs ESG sont mis au même niveau d’exigence que les données financières.
3. Quels sont les risques en cas de manquement aux obligations de transparence ? ⚠️
Les risques sont multiples : sanctions des autorités de marché pour les sociétés cotées, responsabilité civile ou pénale des dirigeants en cas d’information trompeuse, risques de contentieux (actionnaires, ONG, salariés), atteinte à la réputation, voire difficultés d’accès au financement ou perte de contrats.
4. Une entreprise non cotée de taille moyenne est-elle concernée par la transparence extra-financière ?
Même en l’absence d’obligation formelle, les attentes des banques, clients et partenaires poussent les entreprises de taille moyenne à structurer une information extra-financière minimale (politique RSE, indicateurs sociaux et environnementaux clés, gouvernance). Anticiper ces demandes est souvent un atout dans les négociations et les opérations de haut de bilan.
Conclusion
La transparence financière et extra-financière n’est plus un simple exercice déclaratif : elle devient un élément central de la gouvernance d’entreprise et un critère déterminant dans l’appréciation des investisseurs. Organiser cette transparence, c’est à la fois répondre aux exigences réglementaires, maîtriser les risques et renforcer la crédibilité de la stratégie de l’entreprise.
Si votre société doit structurer ou mettre à niveau son information financière et extra-financière, notre cabinet peut vous aider à cartographier vos obligations, sécuriser vos rapports et adapter votre gouvernance (conseils, comités, procédures internes) aux attentes des investisseurs et des autorités de contrôle. Cet article ne constitue pas un conseil juridique personnalisé ; un examen au cas par cas est nécessaire. 📞