L’article 1842 du Code civil pose le principe selon lequel « les sociétés autres que les sociétés en participation […] jouissent de la personnalité morale à compter de leur immatriculation. »
Pour les sociétés commerciales, l’article L. 210-6 alinéa 1er pose le même principe en affirmant que « les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés. »
Ainsi, avant cette immatriculation, la société est considérée comme « en formation » et n’a pas la capacité de contracter.
Cela étant, en pratique, il peut être nécessaire qu’un certain nombre d’actes soit passé, par les associés ou actionnaires fondateurs, pour le compte de la société « en formation ».
Les exemples les plus récurrents sont notamment l’ouverture d’un compte bancaire au nom de la société pour le dépôt des fonds constituant le capital social ou encore la conclusion d’un bail commercial pour bénéficier d’un siège social.
Il s’agit alors d’actes préparatoires qui sont nécessaires et directement liés à la création de la société.
Le droit français est très clair quant à la responsabilité relative à la conclusion de ces actes.
En effet, d’une part l’article 1843 du Code civil précise :« Les personnes qui ont agi au nom d’une société en formation avant l’immatriculation sont tenues des obligations nées des actes ainsi accomplis, avec solidarité si la société est commerciale, sans solidarité dans les autres cas […]. »
D’autre part, l’article L. 210-6 alinéa 2 du Code de commerce précise :
« Les personnes qui ont agi au nom d’une société en formation avant qu’elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis […]. »
Les deux articles précités prévoient des procédures permettant la reprise desdits actes par la société après son immatriculation…
Mais encore faut-il que le contrat ait été conclu pour le compte de la société en formation et non par la société elle-même.
Sur ce point précis, tout fondateur d’une société doit être particulièrement vigilant car des subtilités existent.
Cette nuance est d’une importance telle que pour qu’un acte soit considéré comme ayant été conclu pour le compte d’une société en formation il est fondamental qu’un formalisme particulier soit respecté, à savoir :
« Monsieur (ou Madame) agit au nom et pour le compte de la société (dénomination, sigle, forme, capital) actuellement en voie de constitution, dont le siège social est situé… et dont il (ou elle) est le futur gérant ou président. »
En d’autres termes, le signataire d’un contrat doit indiquer expressément qu’il agit pour le compte d’une société en formation.
Si ce formalisme n’est pas respecté, l’acte sera considéré comme ayant été conclu par la société elle-même, alors que cette dernière ne dispose pas (encore) de la personnalité morale lui permettant de contracter.
Les actes conclus non pas au nom d’une société en formation mais par la société elle-même avant son immatriculation au RCS, sont frappés de nullité.
Plus précisément, la jurisprudence constante a posé le principe selon lequel la nullité affectant les actes passés par une société dépourvue d’existence juridique est une nullité absolue.
Le caractère absolu de cette nullité emporte deux conséquences :
- La nullité peut être invoquée par tout intéressé, notamment les parties à l’acte ;
- Les actes nuls ne sont pas susceptibles de confirmation ou de ratification et leur irrégularité ne peut pas être couverte par des actes d’exécution intervenus après l’immatriculation de la société.
A titre d’exemple, dans un arrêt récent de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 9 janvier 2019, il a pu être jugé que devait être annulé un contrat de maîtrise d’œuvre conclu par la société en formation elle-même, par l’intermédiaire de son gérant se déclarant dûment habilité à la représenter, faute de mention que ce dernier agissait pour le compte d’une société en formation.
Aussi, dès lors qu’un contrat est conclu par une société, le seul fait qu’il mentionne que celle-ci est « en cours d’enregistrement » et qu’il ajoute qu’elle est représentée par son associé ou son Président, n’est pas de nature à établir que ce contrat a été conclu par une personne agissant pour le compte d’une société en formation.
En conséquence, l’acte litigieux frappé de nullité absolue est réputé n’avoir jamais existé.
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