sanction financières dans les coopératives agricoles - Avity - Cabinet d'avocats

 

Clauses pénales dans les coopératives agricoles : une qualification contestée

Cour d’appel de Montpellier du 19 mars 2024 (n° 22/02440)

L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Montpellier le 19 mars 2024 (n° 22/02440) aborde la question de la qualification de la clause pénale prévue dans les statuts des coopératives agricoles. Cet arrêt traite d’un litige entre un coopérateur, M. P., et une coopérative. Le coopérateur avait cessé son activité suite à des problèmes de santé, entraînant une inexécution de ses engagements. La cour a refusé de reconnaître la maladie de M. P. comme un cas de force majeure, mais a modéré le montant des sanctions infligées par la coopérative, jugées excessives​

La clause pénale dans les coopératives agricoles

Les statuts types des coopératives agricoles incluent des clauses imposant des sanctions financières aux coopérateurs en cas de manquement à leurs engagements, notamment la livraison de la récolte. Selon l’arrêt, ces clauses visent à compenser les frais fixes supportés par la coopérative en cas d’inexécution. Dans le cas présent, la coopérative réclamait à M. P. près de 200 000 euros en sanctions, en application des articles 8-6 et 8-7 des statuts, qui prévoient des pénalités basées sur la quantité de récolte non livrée et sur un pourcentage de la valeur de cette récolte​.

La décision de la Cour d’appel

En première instance, le Tribunal judiciaire avait considéré que la maladie de M. P. constituait un cas de force majeure justifiant une démission anticipée sans pénalité. Cependant, la Cour d’appel a rejeté cet argument. Elle a jugé que la maladie ne remplissait pas les critères de la force majeure, notamment le caractère d’irrésistibilité.

En effet, la cour a précisé que, bien que la maladie puisse être un motif valable de retrait, la coopérative avait légitimement refusé la démission sans pénalité, en se basant sur le fait que M. P. avait pu continuer à exploiter son domaine via un prestataire​.

Cependant, la Cour d’appel a estimé que les sanctions imposées par la coopérative étaient « manifestement excessives » et les a réduites à un montant de 30 000 euros, ce qui montre la volonté des juges d’encadrer les pénalités dans un cadre raisonnable.

La qualification contestée de clause pénale

La clause pénale, définie par l’article 1231-5 du Code civil, est une stipulation par laquelle les parties fixent à l’avance le montant des dommages intérêts dus en cas de manquement​.

Dans ce contexte, la cour d’appel a considéré que les pénalités prévues par les statuts de la coopérative étaient de nature contractuelle. Cependant, la coopérative soutient que leur origine réglementaire justifierait une qualification différente.

Il convient de souligner que les statuts des coopératives sont en grande partie impératifs et laissent peu de marge de manœuvre aux parties pour négocier ces clauses.

Aussi, la qualification de clause pénale du paragraphe 6 de l’article 8 des modèles de statuts des coopératives agricoles est contestable dans la mesure ou elle est imposée par la loi ou des règles statutaires, ce qui la rapproche plus d’une obligation légale que d’une clause pénale au sens strict. En sus, cette interprétation irait à l’encontre de certaines décisions de la Cour de cassation, qui tend à distinguer les clauses contractuelles des dispositions imposées par la loi ou la réglementation.

L’arrêt du 19 mars 2024 pose des questions sur la nature des sanctions imposées par les coopératives agricoles en cas d’inexécution des engagements. La décision de la Cour d’appel de Montpellier montre que, bien que la qualification de « clause pénale » soit contestable, elle reste appliquée en l’absence de jurisprudence contraire.

En attendant un éventuel revirement de jurisprudence sur cette qualification, il est conseillé aux coopératives agricoles de bien justifier le montant des pénalités imposées, en démontrant qu’elles correspondent réellement au préjudice subi. Ce calcul détaillé est essentiel pour éviter que les juges ne réduisent le montant des pénalités.

En effet, une justification solide peut aider à limiter le risque de réduction drastique des sanctions imposées à un coopérateur indélicat.