Avis et commentaires sur internet : comment se défendre en cas de propos diffamatoires et mensongers - Avity - Cabinet d'avocats

Dans un jugement en date du 29 mars 2023, le tribunal judiciaire de Paris s’est prononcé sur le caractère diffamatoire de propos tenus en ligne dans le cadre de la publication d’un avis client.

Par un commentaire publié le 1er mars 2022 sur le site Houzz dans la rubrique « avis », la cliente d’une entreprise de bâtiment spécialisée dans la rénovation d’appartements, mettait en cause les réalisations de cette dernière dans le cadre du contrat qui les unissait.

D’abord mise en demeure par deux courriers successifs de retirer le commentaire, la cliente, qui y a opposé un refus, s’est alors vue assigner par l’entreprise. Cette dernière, sur le fondement des articles 29 alinéa 1 et 32 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881, demandait de juger les propos visés diffamatoires et d’ordonner le retrait des propos diffamants.

Le tribunal procède d’abord à un rappel des dispositions de l’article 29 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881 et plus particulièrement de la définition de la diffamation comme « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé ».

Il en résulte que la diffamation doit recouvrir plusieurs caractères pour être caractérisée :

-elle doit relever d’un fait précis, susceptible de faire l’objet d’un débat contradictoire, la distinguant par là de l’injure et de l’expression subjective d’une opinion ou d’un jugement de valeur ;

l’honneur et la considération de la personne doivent s’apprécier en fonction de critères objectifs et de la réprobation générale provoquée par l’allégation litigieuse ;

-elle doit s’apprécier en prenant en considération des éléments intrinsèques et externes au support en cause ; à savoir, tant le contenu des propos que le contexte dans lequel ils ont été tenus.

En l’espèce, il est établi que les propos tenus visent la société demanderesse dans la mesure où ils ont, d’une part, été publiés dans la rubrique « avis » de la partie consacrée à ladite société et, d’autre part, font la mention de l’acronyme de la société dans leur contenu. En outre, le caractère public apparait par la mise en ligne du contenu sur un site librement accessible à tout internaute. Enfin, il n’est pas contestable que la cliente est l’auteur des propos en ce qu’elle les a publiés depuis un compte à son nom en faisant référence à un chantier précis dont elle fait état du montant, correspondant en effet au contrat.

 

 

 

 

Concernant le contenu des propos incriminés, le tribunal considère que la sévérite de la critique de la réalisation de travaux exprimée par la cliente excède la simple opinion dès lors qu’elle impute à la société des agissements précis relevant indéniablement de défaillances professionnelles afférentes à sa mission d’entreprise de rénovation en violation de ses obligations contractuelles. En outre, l’instance a relevé la gravité des agissements décrits par les propos et leur caractère manifestement structurel. De même, certains propos mettant en cause les comportements individuels des salariés s’inscrivent dans le prolongement des défaillances imputées à l’entreprise.

Le tribunal relève en outre qu’il s’agit de faits précis, dont la vérité peut aisément faire l’objet d’un débat probatoire, qui portent atteinte à l’honneur et à la considération de la société visée.

Dans le même temps, la juridiction rappelle les faits justificatifs en mesure d’écarter le caractère diffamatoire d’un propos. A ce titre, elle mentionne la notion de preuve de la vérité des faits diffamatoires, laquelle doit être rapportée par l’auteur des propos ainsi que la notion de bonne foi, constituée lorsque l’auteur des propos prouve qu’il a poursuivi un but légitime, étranger à toute animosité personnelle, et qu’il s’est confronté à un certain nombre d’exigences, en particulier de sérieux de l’enquête, ainsi que de prudence dans l’expression.

En l’espèce, la cliente n’était pas en mesure d’attester de la véracité de ses allégations et de prouver sa bonne foi.

En conséquence, le Tribunal Judiciaire de Paris l’a condamnée à verser à la société visée la somme de 1.000 € en réparation de son préjudice moral. 

Pour rappel, les propos diffusés via un support numérique accessible en ligne sont susceptibles d’être incriminés sous les qualifications pénales issues de la loi du 29 juillet 1881, parmi lesquels la diffamation ou l’injure publiques, définies par l’article 29 de ce même texte.

Il convient néanmoins d’agir rapidement puisque la prescription de ces délits obéit à celle des délits de presse fixée par la loi du 29 juillet 1881, à savoir 3 mois après la première publication des propos litigieux.