RAPPEL DE L’EXIGENCE DE FAITS DISTINCTS
Dans sa décision du 6 février 2018, la Cour d’appel de Bordeaux est venue rappeler que l’action en concurrence déloyale exercée en même temps que l’action en contrefaçon doit reposer sur des faits distincts.
En l’espèce, la société GRM qui exerce une activité de négoce en vin dans la région de Bordeaux est propriétaire de la marque « Baron de Lubernac » déposée à l’INPI en classe 33 en 1989 et régulièrement renouvelée depuis. Sous cette marque, elle distribue des vins d’AOC « Bordeaux Supérieur » et « Bordeaux » au sein de diverses enseignes de la grande distribution.
En octobre 2012, GRM découvre que la Maison Bertrand Ravache, société de négoce concurrente, commercialise sous la marque « Baron de Laudenac » des vins d’AOC « Bordeaux Supérieur », ladite marque ayant été déposée auprès de l’INPI en 2011 en classe 33.
C’est ainsi que le 21 novembre 2012, la société GRM assignait la société Maison Bertrand Ravache devant le TGI de Bordeaux aux fins de voir constater et sanctionner, d’une part, la contrefaçon dont la marque « Baron de Laudenac » serait constitutive par rapport à sa marque « Baron de Lubernac » et, d’autre part, les faits de concurrence déloyale et parasitaire dont elle s’estimait victime.
Par jugement du 25 octobre 2016, le Tribunal de Grande Instance condamnait la société Maison Bertrand Ravache, considérant que la marque « Baron de Laudenac » constituait une contrefaçon par imitation de la marque antérieure « Baron de Lubernac » et en prononçait donc la nullité.
Insatisfaite, la société Maison Bertrand Ravache relevait appel de ce jugement.
Le 6 février 2018, la Cour d’appel est venue rappeler qu’une « demande fondée sur la concurrence déloyale et parasitaire suppose la démonstration d’agissements distincts de ceux retenus au titre de la contrefaçon de marque », distinction justifiée par le fait « qu’une société ne peut revendiquer un droit privatif sur la clientèle. »
Cette décision s’inscrit dans une jurisprudence constante et repose sur le fait que la jurisprudence, depuis longtemps, établit une nette distinction entre l’action en contrefaçon et l’action en concurrence déloyale.
Effectivement, la doctrine constate que « l’action en contrefaçon sanctionne la violation d’un droit privatif, alors que l’action en concurrence déloyale est destinée à réparer les conséquences de la violation d’un devoir, de l’usage excessif de la liberté de la concurrence » (RD Com. Concurrence déloyale – Y. PICOD ; Y. AUGUET ; N. DORANDEU – Octobre 2010).
La Cour de cassation estime en effet que « ces deux actions procèdent de causes différentes et ne tendent pas aux mêmes fins, la seconde n’étant ni l’accessoire, ni la conséquence ou le complément de la première », la première étant « le complément logique » de l’autre (Com. 22 sept. 1983, Bull. civ. IV, n° 236 ; CJUE, 23 mars 2010, aff. jointes C-236/08, C-237/08 et C-238/08, D. 2010. AJ 885).
Cette nette distinction entre l’action en contrefaçon et l’action en concurrence déloyale justifie pleinement que la jurisprudence exige que des faits distincts soient caractérisés pour chacune des demandes.
Droit des marques – Propriété intellectuelle – Pratiques commerciales trompeuses – Contrefaçon de marque – Concurrence déloyale – Avocat au Barreau de Bordeaux
[CA Bordeaux, 6 février 2018, n°16/06615]