Pacte Dutreil et transmission d’entreprise : mode d’emploi - Avity - Cabinet d'avocats

En France, de nombreux dirigeants de PME et d’ETI familiales approchent de l’âge de la retraite sans avoir encore organisé la transmission de leur entreprise. Or une transmission mal préparée peut fragiliser à la fois le projet familial et l’équilibre financier de l’entreprise.

Dans ce contexte, le pacte Dutreil transmission d’entreprise est devenu l’outil fiscal central pour préparer une transmission familiale ou intragroupe, tout en préservant la trésorerie de l’entreprise et de ses repreneurs. Ce régime de faveur permet, sous conditions strictes, une exonération de 75 % de la valeur de l’entreprise pour le calcul des droits de donation ou de succession, avec, dans certains cas, une réduction supplémentaire des droits.

Le dispositif est toutefois complexe, étroitement contrôlé par l’administration fiscale et au cœur de débats récurrents sur son coût pour les finances publiques ⚖️.

L’objectif de cet article est d’expliquer, de manière pédagogique, le fonctionnement du pacte Dutreil, ses principaux avantages et risques, ainsi que les évolutions en cours. Il s’agit d’une information générale, qui ne remplace pas un conseil personnalisé.


I. Le pacte Dutreil : principe et intérêt pour la transmission d’entreprise

1. Un régime de faveur pour les transmissions d’entreprises familiales

Institué au début des années 2000, le pacte Dutreil vise à faciliter la transmission des entreprises – de la PME familiale à la grande entreprise – en réduisant fortement les droits de mutation à titre gratuit (DMTG) dus lors d’une donation ou d’une succession.

Concrètement, pour les transmissions éligibles :

  • Exonération de 75 % de la valeur des titres ou de l’entreprise pour le calcul des droits de donation ou de succession (articles 787 B et 787 C du CGI) ;

  • Réduction de 50 % des droits en cas de donation en pleine propriété lorsque le donateur a moins de 70 ans.

En pratique, le pacte Dutreil permet donc de ramener la fiscalité de la transmission à un niveau souvent soutenable, là où une application “pleine” des droits de mutation serait difficilement compatible avec la pérennité de l’entreprise.

Le dispositif s’applique :

  • aux titres de sociétés exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale (y compris via une holding animatrice, sous conditions) ;

  • aux entreprises individuelles relevant de ces mêmes activités.

2. Des objectifs économiques et patrimoniaux 🔎

Le pacte Dutreil transmission d’entreprise poursuit un double objectif :

  • 🔐 Assurer la pérennité des entreprises familiales : éviter qu’une succession ou une donation ne conduise à vendre l’entreprise ou à distribuer massivement des dividendes pour financer les droits ;

  • 🧭 Maintenir un contrôle familial durable : permettre aux familles de conserver les rênes de l’entreprise dans le temps, tout en organisant la relève.

Pour les dirigeants et leurs familles, il s’agit donc :

  • d’un outil de continuité (maintien du contrôle, stabilité de l’actionnariat) ;

  • d’un levier d’anticipation (préparation de la succession, clarification du projet familial) ;

  • d’un instrument d’optimisation fiscale puissant, mais entouré de conditions strictes.


II. Les conditions d’application du pacte Dutreil : ce qu’il faut absolument sécuriser ⚠️

Le régime est d’interprétation stricte. Un défaut de rédaction, un oubli de déclaration ou un changement non anticipé de situation peuvent suffire à remettre en cause l’exonération.

A. Avant la transmission : l’engagement collectif de conservation

Pour les titres de sociétés, l’exonération de 75 % suppose en principe la mise en place d’un engagement collectif de conservation :

  • Engagement pris par une ou plusieurs personnes (associés, membres de la famille, voire une personne seule dans certains cas) ;

  • Engagement portant sur un pourcentage minimum de droits de vote et de droits financiers (selon que la société est cotée ou non) ;

  • Durée minimale de 2 ans ;

  • Formalisation par acte enregistré (authentique ou sous seing privé) ;

  • Exercice, pendant toute la durée de l’engagement collectif, par l’un des signataires, d’une fonction de direction ou de l’activité professionnelle principale dans la société.

📌 Dans certaines situations, lorsque le dirigeant détient déjà les titres depuis au moins 2 ans et exerce une fonction de direction, il est possible de recourir à un mécanisme dit de pacte “réputé acquis”. Ce dispositif, très technique, doit être manié avec prudence.

Pour les entreprises individuelles, l’engagement porte sur les biens nécessaires à l’exploitation, que les bénéficiaires s’engagent à conserver pendant 4 ans.

B. Au moment de la transmission et après : engagement individuel et fonction de direction

Au jour de la donation ou du décès, les conditions suivantes doivent être remplies :

  • Les héritiers, donataires ou légataires doivent poursuivre l’engagement collectif jusqu’à son terme ;

  • Chacun doit prendre un engagement individuel de conservation des titres reçus pendant 4 ans à compter de la fin de l’engagement collectif (soit une durée totale minimale de 6 ans) ;

  • L’un des bénéficiaires (ou un signataire du pacte) doit exercer une fonction de direction dans la société pendant les 3 années suivant la transmission .

En pratique, cela implique :

  • de bien identifier la ou les personnes qui assureront la direction après la transmission ;

  • d’organiser, si besoin, une gouvernance familiale (pacte d’associés, holding animatrice, charte familiale, etc.).

C. Mutations concernées, démembrement et points de vigilance 🔍

Le pacte Dutreil transmission d’entreprise peut s’appliquer :

  • aux successions ;

  • aux donations en pleine propriété ;

  • aux donations en démembrement de propriété (donation de la nue-propriété, donation avec réserve d’usufruit), sous conditions particulières.

Le démembrement est l’un des points les plus sensibles du dispositif :

  • il nécessite une rédaction précise des statuts pour encadrer les droits de vote de l’usufruitier et du nu-propriétaire ;

  • une mauvaise répartition des droits (par exemple des droits de vote trop étendus pour l’usufruitier) peut entraîner une remise en cause de l’exonération.

⏱️ Par ailleurs, l’administration fiscale dispose d’un délai de contrôle qui, en pratique, s’étend au-delà de la période de conservation, ce qui impose une vigilance durable.

En cas de non-respect des conditions :

  • rappel intégral des droits de mutation ;

  • intérêts de retard ;

  • et potentiellement majoration en cas de manquement caractérisé.

D. Cumul avec d’autres dispositifs fiscaux 📊

Le pacte Dutreil transmission d’entreprise peut se combiner avec d’autres outils :

  • abattements personnels (par exemple 100 000 € par parent et par enfant) ;

  • réduction de 50 % des droits en cas de donation en pleine propriété par un donateur de moins de 70 ans ;

  • autres dispositifs favorisant la transmission d’entreprise ;

  • paiement différé et fractionné des droits, permettant d’étaler la charge fiscale dans le temps.

L’ensemble doit être pensé dans une stratégie patrimoniale globale : équilibre entre les enfants, besoins financiers du dirigeant, capacités de l’entreprise, financement de la reprise…


III. Limites, coût budgétaire et réformes en cours du pacte Dutreil

A. Un dispositif efficace, mais coûteux pour les finances publiques

Le recours au pacte Dutreil s’est fortement développé ces dernières années. Le montant des actifs transmis sous ce régime est élevé et la dépense fiscale associée importante.

Cette situation alimente régulièrement le débat :

  • sur le ciblage du dispositif (profils de bénéficiaires, taille des entreprises, secteur d’activité) ;

  • sur son rapport coût/efficacité en termes de maintien de l’emploi, d’investissement et de compétitivité.

B. Les orientations de réforme évoquées

Divers travaux institutionnels ont suggéré de possibles évolutions, parmi lesquelles :

  • mieux distinguer les actifs réellement professionnels des actifs patrimoniaux logés dans les sociétés ;

  • adapter ou restreindre le mécanisme du pacte “réputé acquis” ;

  • limiter certains montages purement patrimoniaux (par exemple certains family buy out) ;

  • moduler l’avantage fiscal en fonction du montant transmis ou de la durée de détention, voire allonger la durée des engagements de conservation.

Ces propositions nourrissent la réflexion, mais toutes ne sont pas, à ce jour, traduites dans la loi. Il est donc essentiel de vérifier, au moment de la mise en place d’un pacte Dutreil transmission d’entreprise, le cadre juridique et fiscal effectivement applicable.

C. Le projet de loi de finances pour 2026 : vers un recentrage ciblé ? 📑

Les discussions autour du projet de loi de finances pour 2026 ont ravivé le débat sur le pacte Dutreil. Parmi les pistes évoquées :

  • limitation de l’exonération aux seuls actifs opérationnels de l’entreprise ;

  • allongement des durées de conservation ;

  • introduction de critères liés à l’âge des donataires afin de favoriser une véritable reprise ;

  • réflexion sur le traitement des plus-values ultérieures en cas de cession des titres ayant bénéficié du régime.

Ces évolutions potentielles invitent les dirigeants à anticiper et à rester attentifs aux changements législatifs 🔄.

D. L’importance d’une stratégie patrimoniale et d’un accompagnement sur mesure

Au-delà du texte, la mise en place d’un pacte Dutreil transmission d’entreprise pose de nombreuses questions concrètes :

  • Qui reprend l’entreprise ? Un seul enfant, plusieurs, un salarié clé ?

  • Faut-il opter pour une donation en pleine propriété ou avec réserve d’usufruit ?

  • La création d’une holding animatrice est-elle pertinente pour structurer le groupe ?

  • Comment articuler le pacte Dutreil avec le financement de la reprise (emprunt bancaire, crédit-vendeur, garanties) ?

  • Quelles clauses prévoir dans les statuts et les pactes d’associés pour prévenir les conflits futurs ?

Notre cabinet accompagne régulièrement des dirigeants, familles et actionnaires dans la structuration, la négociation et la sécurisation de pactes Dutreil, en coordination avec les autres conseils (expert-comptable, notaire, banquier). Chaque situation étant spécifique, un examen personnalisé est indispensable.


FAQ – Pacte Dutreil et transmission d’entreprise

1. À quel moment faut-il envisager un pacte Dutreil ? ⏰

Idéalement plusieurs années avant la transmission, parfois dix ans ou plus. Cela permet d’anticiper le choix du ou des repreneurs, d’adapter les statuts, d’identifier la personne qui exercera la fonction de direction et de préparer la transmission de manière sereine.

2. Le pacte Dutreil est-il réservé aux grandes entreprises ?

Non. Le dispositif est ouvert à toutes les entreprises exerçant une activité opérationnelle (industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale), y compris les PME familiales, les exploitations agricoles ou les commerces de proximité 🏪.

3. Que se passe-t-il si l’une des conditions n’est pas respectée ? ⚠️

En cas de non-respect des engagements (conservation des titres, fonction de direction, maintien de l’activité éligible, etc.), l’administration peut remettre en cause l’exonération : rappel des droits, intérêts de retard et éventuellement pénalités. La situation peut être lourde financièrement pour les héritiers ou donataires.

4. Peut-on combiner pacte Dutreil et démembrement de propriété ?

Oui, mais sous conditions techniques strictes. Il est nécessaire d’adapter les statuts pour organiser les droits de vote entre usufruitier et nu-propriétaire, et de veiller au respect des exigences fiscales. Un accompagnement par un professionnel est fortement recommandé dans ce type de schéma.


Conclusion

Le pacte Dutreil transmission d’entreprise est aujourd’hui un outil central pour organiser la transmission des entreprises familiales en France. Il permet de concilier :

  •  la pérennité de l’outil de travail,

  •  le maintien d’un actionnariat familial,

  •  et une fiscalité de transmission significativement allégée.

Mais ce régime de faveur est aussi :

  • complexe sur le plan juridique et fiscal ;

  • exigeant sur la durée (engagements de conservation, fonction de direction) ;

  • susceptible d’évoluer au gré des réformes budgétaires.

Si vous envisagez une transmission d’entreprise (donation à vos enfants, réorganisation capitalistique, anticipation de votre succession), notre cabinet peut vous aider à :

  • analyser l’éligibilité de votre entreprise au pacte Dutreil transmission d’entreprise ;

  • structurer la gouvernance et les statuts en conséquence ;

  • sécuriser les actes de donation ou de succession et leurs conséquences fiscales.

📞 Vous pouvez prendre rendez-vous afin d’étudier, de manière confidentielle et personnalisée, la stratégie la plus adaptée à votre situation et à celle de votre entreprise.